Philippe Oyhamburu
Extraits
"La danse basque est aussi un spectacle"
Pour Philippe Oyhamburu, nombreux sont ceux qui ne réalisent pas que la danse est aussi un spectacle. N’importe qui peut danser un fandango ou des sauts basques, mais il existe au Pays Basque une autre sorte de danse qui s’apparente au spectacle. Il insiste sur le fait que les Souletins ont toujours longuement préparé les mascarades pour les présenter au public. Il en était de même en Gipuzkoa. Il cite Juan Ignacio de Iztueta qui rapporte que les danseurs du Gipuzkoa s’entraînaient des semaines durant pour représenter leurs danses en public. Ceci est valable aussi en Biscaye, ou encore pour les danseurs de pastorales. Une autre question se pose alors : au cours de ces spectacles, faut-il présenter les danses populaires telles qu’elles sont, ou faut-il aller plus loin ? De là est née l’idée de créer des ballets. Le groupe Eresoinka n’a pas franchi le pas. "Avec Oldarra et Etorki, nous avons commencé à aller plus loin en créant un ballet", explique Philippe Oyhamburu. "Autrement dit, à raconter une histoire dansée. Ce n’était pas facile à l’époque, parce que cela n’existait pas encore."
© Département des Pyrénées-Atlantiques – Archives départementales - Collecte "Eleketa". 2012 - 19AV31
"Les femmes ont toujours dansé !"
Philippe Oyhamburu regrette qu’on ait prétendu que les filles ne dansaient pas, ce qui est faux. Dans les textes anciens, les écrits d’Iztueta également, on découvre que les femmes dansaient. Lui-même a intégré des filles dans ses ballets, mais pas dans n’importe quelle danse. Notamment pas dans les danses de Biscaye, en raison de leur caractère « sauvage », dans le sens d’une « beauté sauvage ». Il estime en effet que ces danses sont sans doute « les plus « basques » que nous ayons ». Dans certains ballets, les filles font le ciseau, à savoir, le fameux lever de jambes. Pour sa part, il a intégré des filles dans les danses du Guipuzcoa, qui sont pleines de finesse, dans les fandangos. En Navarre également, les femmes ont toujours dansé. Le même phénomène s’est produit avec le chant quand certains disaient : « Au Pays Basque, ce sont des chorales d’hommes ». Pour lui, c’était un mensonge. Les choeurs du Pays Basque Sud sont mixtes la plupart du temps. Il demande que l’on se méfie de ce « snobisme » qui consiste à dire qu’au Pays Basque, l’homme est seul à faire les chose
Philippe Oyhamburu. Collecte "Eleketa". 2012 © Département des Pyrénées-Atlantiques – Archives départementales - 19AV31-32
Oldarra : création du Ballet basque (1945)
Philippe Oyhamburu nous raconte pour quelle raison Oldarra créa le Ballet basque, dans le sillage d’Eresoinka, groupe de danse réputé et chœur magnifique. Ce besoin naquit des limites de la danse traditionnelle à évoquer et interpréter les sentiments. Le chorégraphe évoque l’introduction dans les créations d’Oldarra du beau répertoire bas-navarrais (sauts basques et costumes). Il se souvient de la précieuse contribution apportée par James Gonzalez, rencontré à l’université des soldats américains (Biarritz American Univertsity) et portant sur l’enchaînement des pièces et le rythme du Ballet.
Philippe Oyhamburu. Collecte "Eleketa". 2012 © Département des Pyrénées-Atlantiques - Archives départementales - 19AV20-21
La personnalité du grand maître à danser
Don Segundo Olaeta était doté d’une forte personnalité. Il n'avait pas appris le français et parlait toujours en basque avec ses enfants, en biscayen. Il savait diriger. Le travail était important : avec lui, il fallait apprendre. Il était très bon pour cela. Il était avare de compliments, mais c'était un bon professeur. Il n'était pas issu d'une famille de danseurs. Il avait d'abord appris la musique, puis la danse.
Philippe Oyhamburu. Collecte "Eleketa". 2012 © Département des Pyrénées-Atlantiques - Archives départementales - 19AV12
Les membres d'Olaeta en 1942
La formation Olaeta était en fait composé de deux groupes : celui des adultes, assez réduit avec six garçons et huit filles, et celui des plus jeunes qui se produisait avec des basques à Bayonne, Saint-Jean-de-Luz. Grâce à lui, le nationalisme basque a pu être diffusé au Pays Basque Nord. Il a fait un travail extraordinaire. C’est la raison pour laquelle il dut repartir à Bilbao, accusé de faire de la propagande pour le séparatisme. La plupart des danseurs étaient issus de la classe ouvrière de Biarritz, réunis par le vicaire Urricariet, à l’exception de Michel d’Arcangues, fils du marquis, et de quelques filles de la bourgeoisie. Le mélange social commençait à se faire. Les musiciens étaient Jontxu Hillau et Piarres Landaburu, originaires de Baigorri. Il y avait aussi des réfugiés du Pays Basque Sud : les enfants d’Olaeta, Amilibia, Arriztizibal, les soeurs Barrenetxea d’Irun… C’était un mélange très sympathique. ...
Philippe Oyhamburu. Collecte "Eleketa". 2012 © Département des Pyrénées-Atlantiques - Archives départementales - 19AV14
"Avec Etorki, nous avons découvert d’autres cultures"
Les Ballets et Choeurs Etorki ont vécu leur seconde période professionnelle en 1966. Lassé par la vie parisienne - "métro, boulot, dodo" -, le groupe, constitué de neuf danseurs et chanteurs, décide d’effectuer une tournée de six mois à l’étranger. Le spectacle leur demande une préparation d’un mois, dans la région de la Loire. Ils l’intitulent la "Tournée Soleil" et se produisent en Italie, Yougoslavie, Grèce, Turquie et au Liban. Ils accompagnent leurs chants à la guitare, ce que reprendront par la suite de nombreux chanteurs basques. À Beyrouth, qui est alors une ville en paix, ils sont conquis par la tolérance des Libanais. En Grèce, ils découvrent des populations pauvres, mais d’une grande richesse sur le plan humain et culturel. Philippe Oyhamburu garde d’excellents souvenirs et de très belles amitiés de cette tournée vécue dans la joie.
© Département des Pyrénées-Atlantiques – Archives départementales - Collecte "Eleketa". 2012 - 19AV27
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Philippe Oyhamburu est né en 1921 à Argelès-Gazost et a émigré, à l'âge de trois mois, à Montevideo (Uruguay) où il a passé les huit premières années de son existence. La famille est revenue à Paris en 1930 où Philippe a vécu jusqu'en 1939, passant les vacances dans la famille de son père à Hendaye. A partir de 1939 jusqu'en 1976, il partagera sa vie entre le Pays Basque, Paris et les nombreuses tournées qu'il fit avec les ballets Oldarra (1945-1953) et surtout Etorki (1953-1984).
Le premier groupe qu'il intégra en 1942 à Biarritz fut celui du maître à danser biscayen, Don Segundo de Olaeta, réfugié de la guerre civile d'Espagne de 1936. Le groupe Olaeta devint Oldarra en 1945, Philippe en prenant alors la direction artistique. Il quitta les ballets Oldarra en 1953 pour créer ceux d'Etorki. Philippe Oyhamburu est de ceux qui, au delà de la danse populaire et de la danse de spectacle, ont créé le ballet basque.
Il a toujours été très attaché à l'idée de professionnaliser la danse basque et reste convaincu que le Pays Basque a plus que jamais besoin d'un ballet national qui serait son ambassadeur à travers le monde. Les ballets Etorki ont d'ailleurs connu plusieurs périodes professionnelles (1953-1956 ; 1966, 1967-1969; 1972, 1976). Depuis Etorki, il n'y a plus en Pays Basque nord de ballet semi-professionnel. Ce qui témoigne de l'originalité et de l'audace, pour l'époque, de cette aventure artistique.
Philippe Oyhamburu témoigne principalement sur sa carrière de danseur chorégraphe, mais il a aussi été chef de choeur, écrivain, homme politique engagé (d'abord communiste, puis abertzale - patriote basque-).