Mizel Théret
Extraits
"La danse basque, c’est être ensemble"
Pour Mizel Théret, la danse basque est une manière « d’être ensemble ». Quand il danse les sauts basques ou « mutil dantza », il ressent une cohésion dont la société a besoin. La danse basque offre l’opportunité de partager quelque chose : un cercle, un seul et même souffle, un seul et même rythme, un seul et même pas et une même musique, chacun ressentant la proximité de tout le reste du groupe. L’essence de la danse basque est là. Cela ne relève pas du spectaculaire, mais du vécu intime de chacun. Cette cohésion, il la retrouve tout particulièrement dans les danses du Gipuzkoa qui, certes, sont spectaculaires, mais ont su garder cette force de l’ « être ensemble ». Il évoque également le souvenir d’un groupe de Berriz (Biscaye) qu’il eut l’occasion de voir, dans sa jeunesse, à Hasparren, et qui le toucha profondément. Tous les danseurs avaient plus de soixante-dix ans et ils interprétèrent les danses biscayennes, sans prouesse aucune, mais l’essentiel était là. Ce fut une grande leçon pour lui. A travers la danse contemporaine qu’il pratique aujourd’hui, Mizel ne cherche pas à montrer l’agilité mais plutôt l’humanité qu’il porte en lui. Pour lui, la danse est une combinaison entre mouvement, espace et temps, dont le corps est le vecteur. En danse classique, tout se passe au centre (milieu) de la scène. En danse contemporaine,n’importe quel espace peut être central et ce jeu d’occupation des espaces lui plait énormément. La musique a aussi son importance, dit-il. En danse basque, une note est associée à un pas. En danse contemporaine, les modes d’entrée en relation avec la musique sont multiples : ce champ d’expérimentations possibles est pour lui un constituant de la danse.
© Département des Pyrénées-Atlantiques – Archives départementales - Collecte "Eleketa". 2015 - 19AV1585-1586
"Je danse pour montrer mon humanité"
"Je ne danse pas pour montrer que je suis un bon danseur ou pour faire des prouesses, mais pour montrer mon humanité", déclare Mizel Théret. Certes, il est danseur, mais il est avant tout un être humain comme les autres, qui n’est pas extérieur à ce monde. Il regrette que la plupart des spectacles aujourd’hui soient basés sur l’exploit, car cet aspect spectaculaire dissimule l’absence de contenu, ce qui est préjudiciable. "Je préfère quelque chose de moins sensationnel, mais qui ait du fond". La danse est un mariage entre le mouvement, l’espace et le temps. Et tout cela passe par le corps. À propos de l’espace, Mizel Théret souligne qu’en danse classique, le centre est très important : c’est là que se tiennent les "étoiles", le corps de ballet évoluant autour. En danse contemporaine, le centre est partout. Il apprécie cet aspect "démocratique" de la danse. La musique a également une grande importance. En danse basque, par exemple, c’est une note, un pas. Tandis qu’en danse contemporaine, il y a mille manières de communiquer avec la musique. Mizel Théret se tient à l’écart des modes. Ayant étudié l’histoire de la danse contemporaine, il reconnaît qu’il n’est pas évident de passer après certains génies comme les danseurs et chorégraphes Merce Cunningham ou Trisha Brown. Cependant, entre le génie et le désert, il y a un espace que le chorégraphe s’efforce d’occuper modestement. La danse est une relation au monde. Elle a donc à voir avec la vie, la philosophie. Aujourd’hui, Mizel Théret ose se définir en tant qu’artiste. Il souscrit aux propos de la célèbre chorégraphe Maguy Marin qui affirme que l’on peut être un bon danseur sans faire de l’art, et un mauvais danseur en faisant de l’art. Pour lui, à la source de toute création, il doit y avoir des questionnements. L’art est la mise en forme et la mise en scène de ces questionnements. C’est dans cette voie qu’il essaie, humblement, de faire son chemin. La virtualité, l’accélération et le manque de convivialité du mode de vie actuel l’interrogent particulièrement. Ce monde nouveau dépourvu de poésie ne lui plaît guère. Pour autant, il ne se sent pas rétrograde. Dans ses créations, il tente justement d’insuffler de la poésie et d’arrêter le temps. Malheureusement, le public n’est plus habitué à cela et s’impatiente. Quoi qu’il en soit, les questionnements sont indispensables, et même s’ils ne sont pas forcément manifestes sur scène, ils sont toujours sous-jacents.
© Département des Pyrénées-Atlantiques – Archives départementales - Collecte "Eleketa". 2015 - 19AV1589
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Mizel Théret, né en 1959 à Hasparren, a grandi à la maison Larrondoa du quartier Larrondoa jusqu’à l’âge de 10 ans, entouré essentiellement de sa mère, de sa tante et de sa soeur (père militaire, originaire du nord de la France).
Lorsque son père prend sa retraite militaire pour travailler dans l’entreprise aéronautique Bréguet, la famille s’installe au quartier Le Basté de Saint-Pierre-d’Irube.
Mizel intègre en 1969 le groupe de danse Euskal Izarrak. Il fréquente le collège Albert Camus puis le lycée René Cassin et enfin l’IUT de gestion.
A partir de 1977, il rejoint les ballets basques Etorki, d’abord de manière saisonnière puis de manière professionnelle (année 1981 durant laquelle il fait des tournées au Québec, aux USA et en France).
Quelque peu frustré de cette première expérience, il se forme à Paris en danse contemporaine pendant deux ans (1982-1983).
A son retour au pays en 1983, il créé la compagnie Ekarle avec laquelle il a signé à ce jour une vingtaine de créations (cessation d’activité chorégraphique de 1998 à 2005).
Les premières étaient marqués par des références à la culture basque dans une approche contemporaine. Elles ont évolué à partir de 1989 vers une danse résolument contemporaine et empreinte "d’abstraction lyrique".
Depuis 2009, Mizel Théret place la thématique de la mémoire collective au cœur de ses pièces et opte pour un style minimaliste tant sur le plan de la danse que celui de la mise en espace.
Ses créations ont pour la plupart été le fruit de collaborations avec la danseuse Johanna Etcheverry.