Nader Koochaki : "J'’aimerais que la photo soit une croisée des chemins"

Nader Koochaki Etxeberria (1983, Saint Sébastien) lauréat de l’'appel à projet Hogei'’ta, présente ici son parcours et son projet, ainsi que son image du Pays Basque nord.

Comment avez-vous appris votre sélection à l’appel de projet Hogei’ta ?

Avec plaisir! Pour celui qui vogue dans les domaines proches de l’art, il est très difficile d’avoir un mode de vie respectable. Beaucoup de travail, et peu d’argent… Même si ce n’est pas une priorité, c’est réconfortant de voir quelqu’un faire confiance à mon travail. Le projet que j’ai présenté ici, je l’avais entre les mains, mais je n’avais pas de moyens pour le réaliser. Lorsque j’ai vu l’appel de Hogei’ta, il m’a semblé que mon projet faisait corps avec les critères demandés. C’était le bon endroit, au bon moment. Mais je dois avouer que j’en savais peu sur l’Institut Culturel Basque et le Pays Basque nord… C’est si proche, et si loin à la fois… Il me tarde donc de me lancer dans ce projet, et de briser les préjugés aussi.

Quels sont ces préjugés ?

Une conséquence de relations trop ponctuelles avec le Pays Basque nord. Il y a quelques années, dans le cadre d’un projet sociologique, nous avions traité le mode de gestion de l’espace par les jeunes. Il m’avait semblé alors que les natures et les comportements n’avaient rien à voir avec le Pays Basque sud. D’un côté, les manières de penser étaient plus légères au nord mais, aussi plus naturelles. Des sortes d’essences… Une culture plus comme une vapeur, et une tendance à vivre plus facilement du folklore. Je le répète: ce ne sont que des préjugés que j’expose ici.

Vous avez effectué vos études en sociologie. Cela touche-t-il votre oeuvre ?

Je dois le reconnaître, malgré moi. De toute manière, l’art a en soi de la sociologie. En atteignant certaines choses, l’expression culturelle se fait présente. Alors dans mon cas, je dirais que c’est le résultat d’une hybridation. Je dois avouer que je ne saisis pas encore ce que je fais. Je vis tout cela comme un déplacement.

Pourquoi avoir traité du pastoralisme dans vos oeuvres précédentes ?

Tout cela a commencé par le troupeau de brebis. C’est sa forme qui m’a attiré. Elle change tout en restant la même. C’est ainsi que je m’étais retrouvé, caméra au poing, dans un concours de chiens de berger à Oñati. Et le concours, l’exercice en soi, me faisait penser à une photographie de la société occidentale. L’homme, en tant que sujet, qui commande les brebis, les objets. Et le chien qui fait figure de pont entre les deux. C’est un tout qui a été, pour moi, la première approche de la création. Je détenais là mes premières méthodes, images, mes premiers lieux adaptés.

Ce tout a-t-il une influence sur le projet présenté à Hogei’ta ?

Il y a là un lien, et ce projet en est même une conséquence. Je lui ai apposé le nom de Bideo erretratuak eta argazki erretratuak (Portraits de vidéos et de photos) parce que cela nous était exigé. Mais tout de même, je veux aller au fond des choses ici. Prendre, par exemple, le musée en soi: quelque chose qui recueille de la culture, la classe et l’expose, et voir son incidence. Puisqu’au cours d’un processus de création, il y a des choses imprévues qui apparaissent. Par conséquent, je ne souhaite pas parler de la photo et de la vidéo de manière réductrice. Je souhaite que la photo soit une croisée des chemins. Je ne rechercherai pas le plaisir du spectateur avec de belles photos. J’aimerais voir le chemin qui découle de cette photo. La prendre comme matière, en faire un portrait, et tendre ce tas de noeud, pour que chacun déroule le fil qu’il veut.

Entretien : Xan Aire