Témoin de la création : Andy Scott

Andy Scott Ngoua, né en 1984 à Libreville au Gabon, est un danseur chorégraphe de la compagnie gabonaise Ebene Dance.

Andy Scott
Andy Scott

Son parcours de danse commence à l'âge de 6 ans, lorsque les grands frères du quartier l’amènent à pratiquer l'acrobatie (école de cirque) mais aussi les arts martiaux. Puis il rencontre le hip-hop et devient une icône de cette danse dans sa ville, son pays et en Afrique. Arrive ensuite le moment du questionnement où Andy comme à interroger la culture de ses ancêtres, notamment le m’vet, ce rite initiatique porté sur la parole, le dire, l’écouter, le chanter, dont sa grand-mère lui a tellement parlé et qu’il a si longtemps refoulé. Ce qu’il est, se créé aujourd’hui (Agnu, le geste des immortels, 2016), et est le fruit de cette rencontre entre ses racines africaines et la danse afro-décalé urbaine.

Reportage

Extraits choisis

  1. "J'ai fait un retour aux sources"
  2. "Je ne suis pas Andy Ngoua, je suis un peuple"
  3. "Le m'vet est une épopée oratoire"
  4. "Il faut vivre avec les autres et pas à côté des autres"

 

"J'ai fait un retour aux sources"

"Je suis Andy. Je suis d'origine gabonaise et mon parcours commence à l'âge de 6 ans où je suis danseur d'abord « cirquacien ». J'ai commencé à apprendre le cirque avec les grands frères du quartier qui m'amènent faire de l'acrobatie dans une école de cirque et après d'autres frères du quartier qui m'amènent pour faire les arts martiaux. Et pendant ce temps là, j'ai ma grand-mère qui cherche à m'enseigner quelque chose, l'art du langage. Pour moi, c'est le m’vet : le m’vet c'est un rite initiatique qui est porté sur la parole, sur le dire, sur l'écouter, sur le chanter. Et ce rite, du coup, ma grand-mère cherche à nous le transmettre – et au fur et à mesure que je grandis, je l'entends, je l'écoute nous le dire, nous l'enseigner.

Je passe le temps à rigoler, à me dire c'est pas moi, je suis un enfant de la ville quand même. Et elle, elle vient de son village qui arrive en ville et qui cherche à nous apprendre ces choses là et du coup on les perd sans les perdre ; donc on le refoule un peu alors que ce sont nos cultures, nos racines et nous on ne sait pas quoi en faire. On se dit que ce n'est pas nécessaire pour nous, que ça ne va pas nous servir et du coup, au fur et à mesure, je rencontre le hip hop. Je rentre en contact avec le hip hop aussi et je me dis « voilà, c'est ça que je veux faire ». Je commence à travailler le hip hop. Très vite, je réussis dans le hip hop d'abord dans mon pays au Gabon, en Afrique. Je fais plein de choses, plein de voyages et du coup je deviens une icône de la danse de mon pays, une sorte de star. Voilà, et on me voit partout dans les chaînes de télé, dans les journaux et dans les grands panneaux publicitaires dans la ville, à l'aéroport, dans le grand panneau de welcome, bienvenue à Libreville et c'est mon visage qu'on voit.

Et après arrive le moment des questionnements : tout ça c'est l'âge de l'adolescence qui seulement commence à arriver. Avec le rêve d'aller ailleurs, bien sûr, toujours. Je commence à me questionner : mais moi qu'est ce que je porte aux autres ? Qu'est-ce que je donne aux autres ? Je suis qui déjà, d'abord, pour commencer ? Je suis qui ? Je viens d'où ? Ok, je vois ma mère, je vois mon père, je vois les sœurs de ma mère. J'ai grandi avec ma mère, pas avec mon père. J'ai connu mon père très tard, j'avais 25 ans donc c'était déjà un peu tard pour le connaître. Après j'étais quand même content de le rencontrer pour qu'il m'apprenne certaines choses. En plus, je l'ai rencontré à l'âge où je me posais toutes ces questions. Je cherchais à repartir vers moi, aller à la rencontre de moi-même, à comprendre qui je suis, pourquoi je suis là aujourd'hui et pourquoi les autres aussi. On ne se rend pas compte mais c'est important de ne pas de contenter de vivre avec les autres mais à côté des autres. Vivre avec les autres, ça veut dire les apprendre, les connaître et partager avec eux, les côtoyer et ça c'est intéressant. C'est là aussi la richesse de la vie parce que la vie nous apporte aussi et du coup je repars dans ce questionnement là. Je fais un retour aux sources : moi le danseur de hip hop, l'homme des temps modernes, l'homme du 21e siècle, je fais un retour aux sources avec toutes ces questions : pourquoi est-ce que je suis là ? Qu'est-ce que je fais ? Pourquoi est-ce que je suis là ? Pourquoi es-ce que je me contente de ça ? Est-ce que normalement je m'arrête à ça ? Quelle est ma véritable identité ? C'est juste ça que je veux devenir plus tard ? C'est surtout pour demain et qu'est-ce que je vais laisser ?

Du coup je fais un retour aux sources, je repars vers ma maman où je me pose ces questions là, d'où est-ce que je viens, qui je suis et elle me dit "attend, avant que tu viennes me poser ces questions, moi je savais déjà que tu devais venir, que tu devais revenir parce que je t'ai vu faire, j'ai vu comment tu as commencé, vers où tu partais, vers où ta carrière t'emmenait et je savais que ces questions là allaient venir. J'avais commencé à t'en parler mais on va faire plus simple, viens, on va repartir vers ma maman – donc sa maman à elle donc ma grand-mère". Du coup, je suis reparti vers l'initiation, mais de moi-même. Cette fois-ci de moi même, parce que j'ai envie de comprendre, de connaître. Du coup, d'où les rituels que j'ai suivis : l'apprentissage du langage". 

"Je ne suis pas Andy Ngoua, je suis un peuple"

"Aujourd'hui j'ai commencé par vous dire que je m'appelais Andy Ngoua. Mais non, je ne m'appelle pas Andy Ngoua, je ne suis pas Andy Ngoua, je suis un peuple, je suis tout un peuple et puis il y a moi et il y a plein d'autre personnes derrière moi. Même quand je suis là, devant vous, il y a plein d'autres personnes là derrière moi et à côté de moi. Et du coup, je ne vis pas à côté d'eux mais je vis avec eux.

Aujourd'hui c'est celui que je suis et c'est celui que je suis avec tout ce que j'ai appris de ma richesse, de mon origine, plus ce que j'ai appris de moi-même de la vie d'aujourd'hui ; c'est ça qui fait mon identité, c'est ça qui me définit aujourd'hui. C'est ce qui fait que moi aujourd'hui, j'estime que je peux transmettre quelque chose à ceux qui viennent derrière moi aussi. Et du coup, je sais que je laisserai quelque chose derrière moi aussi".

"Le m'vet est une épopée oratoire"

"Cette création parle du m'vet, du rite. Le m'vet comme je vous le disais tout à l'heure c'est une épopée oratoire. Le m'vet est chanté, le m'vet est dansé, le m'vet est joué parce que c'est un instrument à corde aussi où il y a trois calebasses . Ces calebasses représentent des cavités. La cavité buccale, donc la bouche d'où le titre de mon spectacle qui est agnu qui signifie la bouche ; la cavité thoracique qui referme le coeur et les poumons qui les protègent et la cavité abdominale où est cachée l'énergie, où est centré tout ce qu'on veut faire ou dire. Quand on manque de volonté ou que l'on cherche – on a peur de quelque chose et l'on n'est pas sûr de pouvoir mais quand on se décide finalement à le faire c'est parce qu'on a décidé d'aller le chercher là bas, dans cette cavité là".

"Chez nous ça s'apelle aboum. Aboum ou encore dans les contes et « vous » le vampire, la sorcellerie, l'énergie, le ki dans les arts martiaux. Et donc, et c'est dans ce son là où se trouve toute la lumière, la lumière qui transmet au reste du corps. Quand on est bien centré sur nous et qu'on est en constante recherche de cette lumière-là, elle est toujours là, et qu'on arrive à chaque fois à puiser dedans et à la nourrir par des rencontres, par des actions, par la concentration, par la maîtrise de soi".

"Il faut vivre avec les autres et pas à côté des autres"

Pour faire ce spectacle je me suis dit "de moi-même, ou juste pour moi-même, c'est pas suffisant et ça sert à rien". Moi je pars du principe, comme je vous le disais tout à l'heure qu'il faut vivre avec les autres et pas à côté des autres.

Et donc si je veux vivre avec les autres, j'ai décidé d'aller chercher avec Claude les ados parce que quand j'avais leur âge je faisais la même chose. Je me contentais, je ne cherchais pas à comprendre, à savoir. Alors que je me dis qu'en les côtoyant, en cherchant à comprendre avec eux, en leur posant certaines questions, je pourrais comprendre pourquoi je ne me posais pas ces questions là aussi quand j'avais leur âge et pourquoi ils peuvent se poser ces questions -là. Et donc eux ils pourront comprendre certaines choses, pourquoi est-ce que je me pose ces questions-là, pourquoi est-ce que j'ai loupé cette partie ? Je peux éviter de louper cette partie là et de chercher à comprendre qui ils sont, là, déjà et qui peut les rendre meilleurs demain parce que c'est important d'apprendre de soi, d'apprendre sur soi et sur ce qui nous entoure. Et de respecter aussi.

Coproduction :

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