La prépondérance de l’église
L’Abbé Piarres Larzabal, grand dramaturge basque déclarait lors d’une conférence prononcée en 1965 à Bayonne :
"Le théâtre basque de chez nous fut mis au monde, apprivoisé et affiné par le clergé et dans les salles paroissiales. Les motifs qui poussèrent le clergé à faire du théâtre furent d’ordre basque et d’ordre moral. (…) Le cinéma s’implante partout… Le bal aussi… La facilité des transports, l’installation de l’électricité, permettant de transformer la nuit en jour, l’apparition des appareils radiophoniques, profanaient l’intimité de nos foyers et éparpillaient l’esprit communautaire paroissial.
Quelques-uns pensèrent endiguer ce raz de marée en criant contre les "temps modernes". D’autres, plus intelligents, comprirent la stérilité des oppositions verbales et la nécessité des adaptations efficaces… Le conservatisme ne mène à rien, car on n’arrête pas le progrès matériel. (…) Et croyez-moi le combat fut rude ! Comment habituer donc à ces "nouveautés" un public basque, rude et peu malléable ?… J’ai vu à Urrugne, un homme mûr armé d’un long bâton et chargé de mettre de l’ordre dans le coin réservé aux jeunes… Certains curés firent au théâtre la séparation des sexes : hommes d’un côté et femmes de l’autre. La séance théâtrale débutait par une prière… »
Les premières troupes villageoises étaient composées uniquement de jeunes filles ou de jeunes hommes. Il était impensable de voir des pièces jouées par des troupes mixtes et ce, au moins jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce mouvement théâtral était animé, essentiellement, par des responsables de la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne). Dans la plupart des cas, les représentations avaient lieu à Noël, le jour du mardi-gras, les dimanches des Rameaux et de Pâques.
Les thèmes abordés
La majorité des thèmes développés dans ces comédies avait un aspect didactique et surtout moralisateur, dans la droite ligne de la doctrine de l’Eglise catholique.
Les thèmes les plus souvent évoqués étaient :
- La condamnation de la sorcellerie
- Le devoir d'obéissance
- La vertu
- La discipline
- Les bienfaits de la religion catholique.
Les propriétaires terriens et les patrons étaient toujours représentés comme des gens biens tandis que les domestiques et les employés avaient tendance à voler, à mentir ou à manquer de respect. Mais tout était prévu pour faire passer le message par le rire. Les gens venaient au théâtre pour se divertir. Le théâtre représentait pour eux une véritable fête. Un événement attendu de longue date. Et de voir leurs propres fils ou filles, des cousins ou des voisins ainsi maquillés et bien souvent travestis, cela ne faisait qu’aviver leur excitation !
Le théâtre : passe-temps des célibataires
Les jeunes qui faisaient du théâtre étaient tous célibataires. Dès que l’un d’eux se mariait, il arrêtait immédiatement toute activité théâtrale. Il y a eu quand même quelques exceptions, à Hasparren notamment.
Les textes étaient choisis par les prêtres et les mises en scènes assurées par le vicaire ou le curé du village, parfois par des enseignants de l’école catholique. Ce mouvement de théâtre de patronage était très important et des concours furent organisés. Ainsi, en 1951, seize troupes participèrent au concours intitulé "Teatroka", dont les éliminatoires eurent lieu à Saint-Jean-de-Luz, Hasparren et Saint-Palais.