Littérature & musique basques

Les collaborations entre écrivains et musiciens n’ont jamais cessé au Pays Basque depuis les années 1960 jusqu’à nos jours.

Au XXe siècle notamment, de nombreuses chansons issues de cette collaboration sont devenues des symboles pour des milliers de Basques. Elles se sont avérées indispensables pour la revitalisation de la langue basque. Elles ont également contribué au développement d'un discours se démarquant de celui des États officiels (notamment lors de la dictature franquiste), en racontant, dans une perspective nationale, l’histoire du Pays Basque du point de vue de ses habitants.
Au XXIe siècle, ces échanges entre littérature et musique, loin de diminuer, se sont développés. Nous écrivons et chantons désormais différemment. La valeur et la fonction sociale de la chanson ont évolué.

Auteur : Gotzon Barandiaran, écrivain basque et militant culturel.

À la croisée de la littérature et de la musique basques : une sélection d'albums phare

Si vous souhaitez obtenir davantage d'informations sur un album, cliquez sur "En savoir plus" afin de découvrir sa présentation sur le site Badok.eus, un portail entièrement dédié à la musique basque.

  • 1974

    Xabier Lete

    Ces chansons abordent l’existence de l’être humain et du peuple et du Pays Basques. Elles racontent le passé et l’avenir de la langue basque, de son territoire et de l’identité basque. Xabier Lete s’approprie les revendications formulées par Bernat Etxepare dans le premier ouvrage imprimé en euskara : euskara, va gagner l’espace public ! Il rêve du jour qui viendra après la nuit sombre, s’appropriant le lyrisme de Xabier Lizardi. L’union d’un poète et d’un chansonnier.

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  • 1974

    Oro laño mee batek…

    Benito Lertxundi restera longtemps fidèle au fondement idéologique de la période Ez dok amairu, faisant "boire de l’eau nouvelle issue d’une source ancienne". Alors que le dernier souffle d’une dictature de quarante ans se faisait sentir (dictature franquiste), Joxean Artze et Xabier Lete écrivirent et chantèrent à la langue basque, au Pays Basque et à sa liberté, comme Lizardi le fit avant eux. Cet album propose une nouvelle épique mettant en scène un peuple construit dans une lutte constante pour sa liberté. Chacune des chansons de cet album constitue une métaphore.

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  • 1975

    Ospital & Carrere

    Ces paroles et mélodies créées par Manex Pagola et Telesforo Monzon sont devenues des hymnes pour des milliers de Basques, de véritables points d’appui intellectuels et affectifs permettant d’aborder certains sujets. Engagement politique, lutte armée, langue, patrie, soif de liberté du peuple… Cet album du duo Pantxoa Carrere et Peio Ospital constitue l’un des cris les plus puissants d’une génération qui voulait croire que la chanson constituait un moyen ou un outil véritablement efficace pour atteindre des objectifs collectifs supérieurs.

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  • 1976

    Gabriel Arestiren oroimenez

    Le groupe Oskorri a composé cet album exclusivement avec des textes de Gabriel Aresti, à qui on doit la modernisation de la poésie basque, grâce à notre poème national Harri eta Herri de 1964, où il dépeint un Basque travailleur, internationaliste et attaché à son passé. Vous entendrez dans cet album des chansons telles que Guretzat ou Gora ta gora beti!, inscrites dans l’imaginaire de milliers de Basques et éveillant la conscience travailleuse et la territorialité depuis plus d’un demi-siècle. Vous y trouverez également Maite dugu mundua ou Oinaz eta Ganboa, tombées par inadvertance dans l’oubli.

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  • 1977

    Gure lekukotasuna

    Errobi fut le premier groupe, avec Niko Etxart, qui prouva qu’on pouvait, comme toute autre musique, faire du rock en basque. Dans les deux premiers disques notamment, le groupe a mis en musique des paroles de Daniel Landart. Comme Gabriel Aresti, Landart exprimait une profonde conscience travailleuse dans ses écrits, autour de revendications sociales dédiées à un public de gauche de l’époque. En effet, l’auteur et les musiciens considéraient aussi la chanson comme un moyen de défendre la liberté.

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  • 1977

    Mosen Bernat Etxepare, 1545

    En 1545, Bernat Etxepare publiait Lingua Vasconum Primitiae, le premier livre imprimé en euskara. Cet album du groupe Oskorri a pour objectif d’actualiser et de faire connaître ce livre et cette action héroïque qui constitua un jalon dans l’histoire de la langue basque. Le groupe n’interpréta pas les mots d’Etxepare de la même manière qu’on aurait pu les lire dans l’ouvrage, mais après actualisation de Gabriel Aresti à son époque. Les auditeurs découvrent dans ces chansons un Etxepare à la fois dévot, avant-gardiste et joueur.

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  • 1978

    Lauaxeta

    Antton Valverde sélectionna des poèmes de trois périodes de Lauaxeta (Estepan Urkiaga Basaraz) pour les arranger au piano et à la voix et composer cet album : des poèmes romantiques de la période Bide-barrijak, des clameurs populaires de la Renaissance Basque et des poèmes testamentaires écrits à la fin de son séjour en prison. Valverde a parfaitement su retranscrire et même amplifier l’aspect lyrique, épique et tragique des poèmes de chaque période de Lauaxeta. Ainsi, les poèmes Azken oyua et Agur Euzkadi, écrits dans sa cellule par un Lauaxeta aux portes de la mort, semblent d’autant plus terribles dans la voix et le piano de Valverde.

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  • 1980

    Hautsi da anphora

    Bernardo Atxaga publia en 1978 l’ouvrage Etiopia, véritable outsider qui fit exploser tous les cadres de la poésie publiée jusqu’alors en euskara. Deux ans après, son camarade du groupe de littérature Pott Banda, Ruper Ordorika, composa son album Hautsi da anphora avec les poèmes de ce recueil. Ces poèmes, à première vue inchantables, sans refrain, furent interprétés avec des musiciens de jazz, pop et folk. Si le résultat fut peu salué à l’époque, on reconnaît aujourd’hui qu’il constituait en réalité le bourgeon des nombreux projets de chanson basque nés de la rencontre entre écrivains et musiciens au XXIe siècle.

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  • 1980

    Ezekiel

    Le jeune Ezekiel se sent étranger dans l’époque à laquelle il lui a été donné de naître. Il ne cherche pas sa place dans son époque, il n’aime pas ce moment historique, cette société et ce pays dans lesquels il vit, et attend l’amour qui soulagera toutes ces angoisses. On sent dans certains de ces textes écrits par Joseba Alkalde l’influence de la technique de collage ou des tourbillons d’images utilisés par Bernardo Atxaga dans le recueil de poèmes Etiopia. On note par la suite chez le groupe Itoiz une volonté plus forte de mettre en avant des paroles et des poèmes écrits par des auteurs ; on trouve ainsi plus tard dans leurs chansons quelques paroles écrites par Bernardo Atxaga.

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  • 1982

    Iratze okre geldiak

    La souffrance et ses effets secondaires. La souffrance et les colères qu’elle engendre. L’absence de bonheur provoquée par la colère. Le besoin de bonheur induit par l’absence de bonheur. Une volonté lyrique de revendiquer la personne et sa vie par-dessus tout. Et, parallèlement, une demande formulée au poète : « chante à l’espoir ». Il semblerait que ce soient les réflexions sur la poésie et la chanson menées par le chanteur avec Paco Ibañez à Paris qui aient suscité à ses débuts la conviction d’Imanol selon laquelle les mots peuvent s’avérer très efficaces pour diffuser des revendications. Tout dépend de ce qu’on entend par revendication.

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  • 1985

    6

    Les personnages mis en scène dans les chansons de ce recueil de Mikel Laboa cherchent à fuir les situations scabreuses qu’ils vivent. En vain. Le temps n’attend pas, les années n’attendent personne. En attendant, que fait-on ? Qui n’est pas soumis aux contradictions exposées par les paroles de ce disque ? Qui échappe à la lutte quotidienne entre la vie et la mort ? Qui est exempt de l’impossibilité de saisir le vent et l’eau entre ses mains ? Je passerai un siècle entier à chanter près de toi.

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  • 1986

    Urte giroak ene begian

    Constater la beauté dans la nature est le meilleur exercice qui soit pour faire face à la mort tant que l’on vit. Les descriptions de Lizardi de la terre sur laquelle il vit sont époustouflantes, embellies d’amour, transcendées par l’admiration et la fascination qu’il éprouve pour tout ce qui passe sous ses yeux. D’après Koldo Izagirre, Lizardi a offert à tous ceux qui ont choisi la voie de l’écriture l’analogie poétique qui a constitué par la suite un outil indispensable au développement de leur poésie. Ce disque d'Antton Valverde est en quelque sorte une terre fourmillant d’analogies poétiques.

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  • 1992

    Akoka

    Les textes écrits par des femmes dans la chanson collaborative entre auteurs et musiciens du XXe siècle sont extrêmement rares. Itxaro Borda fait figure d’exception. Elle a écrit toutes les paroles de cet unique album du groupe Akoka. Nous ne connaissons aucun autre album du XXe siècle écrit entièrement à partir de textes d’une autrice. Itxaro Borda a écrit ces textes en sachant qu’ils étaient destinés à un groupe de rock, comme les textes qu’elle a créés pour Hertzainak. D’après les mots très justes de Luzien Etxezaharreta, la tristesse d’Itxaro Borda est un désespoir créateur rendu plus créateur encore par les sons rock qui l’habillent. Ces paroles qui regardent l’aliénation dans les yeux furent interprétées par Xabi Pery, plus connu comme membre du groupe Itoiz.

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  • 1998

    Apoaren edertasuna

    La beauté de la laideur, l’élégance du dégoût, le poing de l’oppressé, le chant du marginal, la vengeance du méprisé au Pays basque comme ailleurs. Koldo Izagirre raconte et Joseba Tapia chante. Cet album fait partie des plus aboutis des disques nés de la collaboration entre un écrivain et un musicien, de ceux qui en disent long en peu de mots. Il donne à chaque écoute le courage d’être fier d’être petit.

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  • 1999

    Zure minari

    Les derniers mots de cet album du groupe Bide ertzean sont prononcés par Jose Luis Otamendi lui-même : « Ils mettront en vain la musique trop forte / nous garderons toujours quelque chose sous silence ». Ce sont les mots du poète désigné comme dernier lyrique par Iñigo Aranbarri, qui écrivait à son peuple, à son pays, à son époque. Comment chanter à la douleur sans qu’elle ne fasse plus mal encore ? Avec sobriété et en étant ouvert à l’amour. Jose Luis Otamendi a toujours accordé une attention particulière au rythme et la sonorité des mots. C’est peut-être la raison pour laquelle ses chansons s’inscrivent aussi profondément en nous.

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  • 1999

    Tribuaren hitz galduak

    Pako Aristi et Mikel Markez ont recueilli dans cet album des textes et mélodies sélectionnés parmi leurs concerts aux quatre coins du pays. Ils sont empreints d’ironie et d’esprit critique, avec une pointe de mélancolie. Cet album s’apparente à un miroir destiné à ceux qui tournent en dérision la langue et la culture les plus anciennes d’Europe. Pourtant, c’est nous qui nous trouvons devant ce miroir.

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  • 2005

    Ehungarrenean hamaika

    À l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Lauaxeta, onze chanteurs célèbres interprétèrent autant de poèmes. Le groupe de musiciens, dirigé par Rafa Rueda, habilla les paroles de mélodies pop et rock. Les chanteurs y illustrent plusieurs facettes poétiques de Lauaxeta, tant au niveau des thèmes abordés que dans la forme des textes choisis. Ces poèmes, que le langage du poète rend difficiles à comprendre, s’unissent parfaitement aux mélodies qui prédominaient au début du siècle.

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  • 2006

    Memoriaren mapan

    Comme avec les textes de Bernardo Atxaga, Ruper Ordorika composa un album avec un autre camarade de Pott Banda, Joseba Sarrionandia. Si les textes du premier avaient été sélectionnés parmi le recueil Hautsi da anphora, ceux de Sarrionandia sont écrits expressément pour l’album ; ils ne sont publiés dans aucun ouvrage, si ce n’est le livret qui accompagne le disque. Sarrionandia accole à chaque chanson la biographie d’une personne ou d’un personnage. Tous ces personnages, qui ont quitté leur pays natal, portent ensemble, depuis les quatre coins du monde, la voix de l’exil.

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  • 2013

    Gabrielen lekua

    C’est sur commande de l’association Zenbat Gara que le peintre Alain Urrutia, le bertsolari Andoni Egaña, le dramaturge Oier Guillan et le musicien Rafa Rueda imaginèrent le spectacle Gabrielen Lekua. La demande consistait à actualiser la lecture de l’œuvre de Gabriel Aresti par le prisme de quatre expressions culturelles. Ce disque/ouvrage est un échantillon de leur spectacle en direct. Il recueille des lectures d’Oier Guillan, des bertso d’Andoni Egaña et des chansons de Rafa Rueda. Il constitue une porte d’entrée très agréable pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre d’Aresti, non seulement parce qu’ils ont sélectionné ses poèmes les plus déroutants, mais aussi parce qu’il peut éveiller de nombreuses réflexions sur la fonction sociale de la création en euskara.

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  • 2013

    Deserriko kantak

    L’exil (deserria) est un thème profondément ancré dans l’imaginaire des Basques. Nous avons toujours été immigrés, que ce soit par soif d’aventure, par nécessité économique ou pour fuir des persécutions politiques. Nous ne sommes évidemment pas les seuls au monde dans ce cas. L’exil apporte parfois avec lui le sentiment de n’appartenir à aucun pays, de se sentir étranger dans son propre pays. C’est ce sujet qu’abordent dans cet album d'Eñaut Elorrieta les textes de Mario Benedetti, Joan Oliver, Harkaitz Cano et, évidemment, Joseba Sarrionandia. Où commence et où s’arrête la carte de l’exil ?

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  • 2015

    Andrazkubak

    Ce disque des sœurs cubaines Danieuris Moya Avila et Daniellis Moya Avila est le seul du XXIe siècle, du moins pour le moment, à ne recueillir que des textes de femmes. Les sœurs interprètent des poèmes de Leire Bilbao, Miren Agur Meabe et Arrate Mardaras, parfois à deux voix accompagnées d’un piano, parfois dans un format plus rock. La musique de deux femmes cubaines pour trois femmes poétesses du Pays Basque : c’est ainsi que les sœurs définissent ce travail. Amour, mémoire, questionnements, habillés d’autres codes, d’autres mots, à partir de trois autres cœurs.

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  • 2017

    Galdemoduen trilogia

    Le groupe né à l’occasion de la publication du recueil de poèmes Mugaldekoak d’Edu Zelaieta en 2004 apparaît et disparaît, toujours autour de disques qui réunissent la littérature et la musique. Dans cet album, à partir de poèmes et de récits qui évoquent le mode de vie des habitants des frontières, ils proposent une sorte de guide de vie autour du peuple de l’euskara, pour que les gens de toutes origines ethnolinguistiques puissent comprendre les Basques, et pour que nous, les Basques, apprenions aussi à vivre avec eux. Chaque fois qu’une langue meurt, le monde perd un œil.

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  • 2020

    Manipulazio estrategiak

    Sylvain Timsit, à partir de la pensée de Noam Chomsky, résuma en dix points les stratégies de manipulation massive du public et de la société. Harkaitz Cano s’est interrogé sur chacun de ces points pour élaborer des paroles qui deviendraient des chansons. Il s’adresse directement aux Basques d’aujourd’hui, il nous interpelle à la deuxième personne, nous demande de nous réveiller, de ne pas faciliter la tâche à ce point à ceux qui nous manipulent. Musicalement, je dirais que Petti parvient ici à nous séduire plus que jamais, en mariant colère, ironie, autocritique et beauté des mélodies.

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