Une fois n'est pas coutume, nous avons traversé la Bidassoa et pris la route de la Navarre pour aller à la rencontre de Sustrai Colina (1982, Urrugne). Le bertsolari a laissé derrière lui son village natal pour aller s'installer à Pampelune, auprès de sa famille. Rendez-vous pris au local de l'association Bertsozale Elkartea, quartier Errotxapea, où nous avons longuement discuté des changements de la vie, de bertsolarisme, d'inspiration, d'actualité et de cette lumière qui n’est plus vraiment la même en franchissant le col de Belate.
De votre village d'Urrugne à Pampelune, qu'est-ce qui a changé dans cette nouvelle étape de votre vie ?
Beaucoup de choses ont changé dans ma vie. Cela n'est peut-être pas évident mais le temps passe aussi pour moi et mes préoccupations, mon mode de vie ont changé. Même si je continue à monter sur scène de village en village, j'ai maintenant deux enfants et le fait de changer de lieu de vie m'a apporté un environnement différent mais aussi une perception différente de celui-ci. L'accumulation de tous ces changements influence aussi ce que j'exprime sur scène, sans parler du fait que l'on vient de traverser une pandémie et tout ce que cela a pu engendrer. Oui, le temps passe, pour moi aussi, et le monde me change, également.
Vidéo de l'entretien (en basque)
Comment se passent vos journées à Pampelune ?
Le temps passe, pour moi aussi, et le monde me change, également.
J'ai gardé quasiment la même activité professionnelle que j'avais à Urrugne, je pratique le bertsolarisme ici et là et je travaille aussi à la maison, j'écris des scénarios pour l'émission de télévision Ene kantak et de temps en temps, on me demande de faire des interviews ou d'autres missions de ce genre. Puis je m'occupe de mes enfants, dans un autre environnement. Ce qui me permet de comprendre certains aspects que je ne voyais pas de l'extérieur et qui m'aide à considérer certains sujets d'hier d'un point de vue différent, avec plus de distance. À part ça, j'ai un mode de vie très commun.
Quels sont ces perspectives qui ont évolué ?
Il faut se faire une opinion sur certains sujets, essayer de comprendre la société, les émotions des gens, savoir identifier leurs besoins.
Sans le vouloir, on se nourrit de clichés, de ce que transmettent les médias ou de ce que l'on a perçu par nous-même lors d'une visite. Pampelune n'échappe pas à la règle. Lorsqu'on intègre un nouveau lieu de vie, on réalise alors que certaines choses sont telles qu'on les imaginait mais qu'ici aussi les gens sont amenés à vivre ensemble, à partager, et ce même si sur le papier ils se situent à deux extrêmes opposés. J'ai aussi une autre perception d'Urrugne aujourd’hui. Ni meilleure, ni pire. Mais avec le recul, je vois des choses que je ne rendais pas compte avant. D'autre part, je constate aussi que deux villes qui, au premier abord, paraissent si différentes, ont finalement pas mal de choses en commun. Par exemple, je m’aperçois que deux mondes qui, à première vue n'existent pas l'un pour l'autre, peuvent s'unir à un moment donné, au nom du vivre ensemble. À Pampelune comme à Urrugne il y a également eu cette sensation, pendant longtemps, qu'il serait impossible de voir un jour une mairie abertzale, et dans les deux cas c'est arrivé. Mais à quel prix y est-on arrivé ? Qu’a-t-on préservé et qu'a-t-il fallu mettre de côté pour arriver à ce résultat ? Maintenant je suis davantage conscient de ce genre de problématique.
Quelque chose vous manque tout particulièrement, ici, ou là-bas ?
Ma compagne se moque gentiment de moi lorsqu'on prend la route en direction d'Urrugne et qu'à chaque fois, après le tunnel du col de Belate, je lui dis que la lumière est différente. Je suis ému à ce moment-là. Je crois qu'ils ne peuvent pas me comprendre. C'est la lumière qui me manque le plus. Sinon la ville a ses bons et ses mauvais côtés, tout comme la ruralité a les siens. Je n'ai jamais idéalisé ni l’un ni l’autre de ces modes de vie. J'ai été très heureux à Urrugne et je pourrais revivre là-bas un jour, mais je vis aussi très bien à Pampelune et je n'ai pas l'intention de partir. Après, je ne vais pas nier que j'aurais mieux vécu le confinement à Urrugne, même si, là aussi, des habitants ont passé leurs journées dans des appartements de 30 m². Mais, la lumière y est différente.
Racontez-nous votre entraînement de bertsolari.
J'essaie de dédier une partie de mon temps quotidien au bersolarisme car même si c'est une question d'improvisation, cela demande un gros travail de préparation en amont. Un travail de réflexion, d'enrichissement et de répétition afin d'automatiser certains réflexes pour prendre les meilleures décisions et donner le meilleur de soi en quarante secondes lorsque le sujet est lancé sur scène. Cela demande du travail mais surtout un espace pour le mental, de l'attention. J’essaie de prendre soin de tout ça. Il faut se faire une opinion sur certains sujets, essayer de comprendre la société, les émotions des gens, savoir identifier leurs besoins. Les messages que l'on transmet doivent être en adéquation avec ce que l'on est, mais il ne faut pas oublier qu'ils sont dirigés à d'autres personnes. Ce lien doit être constamment actualisé car il évolue au quotidien. Les sujets évoluent, j'évolue aussi et avec l'âge de nouvelles nuances apparaissent. Toutes ces choses n'arrivent pas par hasard, cela demande du travail. Il faut se nourrir avec la lecture, la musique, les amis. Chaque bertsolari a sa propre stratégie, mais chacun de nous travaille cet enrichissement de l'esprit.
Vous envisagez de vous tourner vers un autre mode d'expression ?
Pas pour l'instant. Le bertsolarisme est aujourd’hui le mode d'expression qui me correspond le mieux et j'en suis très content. Cela ne veut pas dire qu'un jour je ne serai pas tenté par l'écriture, mais actuellement je ne le sent pas. L'écriture est un travail à part entière et je ne suis pas convaincu qu'un bon bertsolari soit systématiquement un bon écrivain. Certes il y a de bons bertsolaris qui sont de bons écrivains, mais cela ne veut pas dire que tous les bertsolaris deviennent de bons journalistes ou de bons écrivains. Ils sont bons bertsolaris, un point c'est tout.
Sur scène, ou pendant la rédaction d'un article, vous arrive-t-il de vous autocensurer?
Je crois que l'autocensure est tellement ancrée en chacun de nous que l'on ment lorsqu'on dit que ce n'est pas le cas.
Je crois que l'autocensure est tellement ancrée en chacun de nous que l'on ment lorsqu'on dit que ce n'est pas le cas. Il existe peut-être encore un artiste qui résiste à l'autocensure, mais mises à part de rares exceptions l'autocensure est bien une réalité. Cela peut arriver parce qu'on s'est réveillé un peu moins audacieux que d'habitude, parce que l'on a nos peurs, nos doutes, parce que l'on ne veut heurter personne. Mais aussi parce que la loi est là, chaque jour une peu plus exiguë. Il y a mille raisons à cela et ce n'est pas facile de s’en défaire. Parfois un vers nous vient à l'esprit et on se dit « Non je ne peux pas chanter ça », et d'autres fois, cela ne nous traverse même pas l'esprit. Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce que l'on vit ensemble et que le bertsolarisme se pratique en communauté. Dans le journalisme aussi, c'est la même chose quand quelqu'un vous dit de poser telle question à un responsable politique ; il y a d'un côté la conversation de comptoir et de l'autre le face à face avec telle ou telle personne, les répercussions sociales qu'auront certaines déclarations ou paroles à un moment donné. Je crois que l'on vit tous dans cette bataille entre vouloir et pouvoir et cela saute aux yeux parmi les bertsolaris.
Vous croyez que la situation s'améliore ?
Maintenant le jeu est plus ouvert, plus intéressant, plus riche, mais le risque de se tromper aussi est plus important. C'est là le risque de la créativité.
Pour parler clairement, je dirais que le conflit politique au Pays Basque a indiscutablement eu beaucoup de conséquences. À l'époque de son apogée, toute la population a vécu suspendue à ce conflit, avec certes des différences dans la pratique, mais pas dans le discours. Alors, on se sentait prisonnier dans une certaine liberté et libre dans ce même emprisonnement. Mais lorsque la situation a explosé, elle a entraîné une sorte d'atomisation de la société et par conséquent une multiplication des sujets à débat. On se trouve alors face à des sujets qui n'ont pas encore de versions officielles écrites, ce qui d'un côté, donne une liberté extraordinaire mais également une vraie peur de se « planter » ou de voir son message mal interprété. Il ne faut oublier que les bertsos ont leurs limites. On est dans le cadre d'une improvisation, avec une métrique précise. On fait des rimes, avec par conséquent le risque de ne pas s'exprimer assez clairement. Je dirais donc que concernant les sujets, le discours, le choix n'a jamais été aussi vaste et que dans cette multitude, on continue à vouloir plaire. Donc chacun de nous prend des risques avec certaines opinions, et moins sur d'autres sujets. Cela provoque certes quelques remous chez chacun de nous. En quelque sorte c'était plus facile d'être bertsolari avant : les discours étaient déjà faits et il suffisait de prendre le passage qui te correspondait le mieux et d'improviser dessus. C'est ce que les gens espéraient de toi, c'est tout. Maintenant le jeu est plus ouvert, plus intéressant, plus riche, mais le risque de se tromper aussi est plus important. C'est là le risque de la créativité.
Quels souvenirs gardez-vous de l'école de bertsolarisme d'Hendaye ?
Lorsqu'on commence à avoir, très jeune, de bons résultats dans les compétitions, et que d'un coup on est trop exposé, ce n'est pas facile à gérer, ni avant, ni maintenant d'ailleurs.
Je garde de très bons souvenirs. Nous étions des privilégiés parce que nous avions à portée de main ce que très peu de personnes ont. De plus nous avons vécu tout cela très naturellement, dans une sorte d'inconscience. Heureusement. On était une bande de copains et cela alimentait tout le reste. Et puis, à l'époque, le bertsolarisme au Pays Basque Nord n'était pas structuré comme il peut l'être aujourd'hui, il n'avait pas la même force. Cela nous a permis de garder les pieds sur terre et d'apprendre à vivre. Le bertsolarisme était quasiment quelque chose de clandestin. On ne disait même pas aux copains qu'on y allait. Cela avait quelque chose de plutôt négatif mais aussi de très positif pour nous, c'était un espace de liberté, qui nous a aidé à nous construire en ayant un lien avec notre histoire collective. J'ai gardé en mémoire de très bons moments, même s'ils ont été parfois parsemés de passages compliqués, voire difficiles à digérer. Lorsqu'on commence à avoir, très jeune, de bons résultats dans les compétitions, et que d'un coup on est trop exposé, ce n'est pas facile à gérer, ni avant, ni maintenant d'ailleurs. Tout à coup, c'est comme si on nous faisait sentir des responsabilités qui ne sont pas les nôtres, comme si on était des portes paroles d'Iparralde, ou qu'en cas de départ le monde aller s'écrouler. Ces responsabilités sont parfois pesantes, ou elles l'ont été du moins. Et puis on apprend à s'en libérer. Mais c'était une époque de totale effervescence [voir également à ce sujet les extraits du témoignage de Jexus Arzallus sur le portail mintzoak.eus].
Le prestige du bertsolarisme aujourd'hui a-t-il changé quelque chose ?
Ce qui a le plus influencé le bertsolarisme ces vingt dernières années c'est la présence des femmes, et tout le travail qu'elles ont fait.
Je crois que ce qui a le plus influencé le bertsolarisme ces vingt dernières années c'est la présence des femmes, et tout le travail qu'elles ont fait. Elles ont eu une influence sur le public mais également sur scène et sur les hommes. Le reste dépend des expectatives de chacun. En ce qui me concerne, les débuts ont été difficiles, mais après j'ai su garder les pieds sur terre, j'ai trouvé ma place, des outils pour me protéger et je me suis habitué. Le bertsolarisme a cela de bon : tu peux croire ce que tu veux, avoir l'ambition ou l'emballage que tu veux, mais à un moment donné, sur scène, en quarante petites secondes et dans une métrique précise, tu dois faire une chose des plus basique. Cela permet de garder les pieds sur terre. Le fait de marcher chaque semaine sur ce fil procure des sensations très euphoriques parfois, mais aussi très décourageantes d'autres fois. On apprend donc à vivre dans cet équilibre, en assumant qu'on sera très bon dans certaines rencontres et pas du tout dans d'autres, et que gérer cela fait partie du métier.
On peut vivre en étant bertsolari de nos jours ?
On peut vivre en étant bertsolari mais certainement pas s'enrichir !
La pandémie a pas mal modifié les chiffres mais avant la crise du Covid je dirais qu'un certain groupe de bertsolaris pouvait participer à 100 voire 150 rencontres et plus par an. On peut en vivre selon les besoins de notre quotidien. Et puis on ne peut jamais savoir en avance combien on aura de demandes ni si nos interventions seront rémunérées ou pas. Cette précarité se vit différemment à vingt-cinq ans et à trente-cinq ans, avec une famille et par conséquent des besoins financiers plus importants.
On peut donc vivre en étant bertsolari mais certainement pas s'enrichir ! Notre fonction est noble et populaire. Malgré tout, souvent, nous ne savons pas si nous serons rémunérés, et nous nous rendons également dans des lieux où nous savons pertinemment que nous ne le serons pas. C'est comme ça, parfois ça nous énerve et parfois on le prend avec plus de philosophie. Mais il faut cependant rappeler que l'on ne vit pas d’amour et d'eau fraîche et que l'on aime bien que notre travail soit rétribué, ni plus ni moins.
Vous êtes de ces champions qui rêvent de porter la Txapela ?
Je ne connais aucun champion qui n'ait la fibre compétitive. Si tu veux être au sommet il faut avoir la volonté de te dépasser.
Je ne connais aucun champion qui n'ait la fibre compétitive. Si tu veux être au sommet il faut avoir la volonté de te dépasser. C'est impossible sans ça, quel que soit le milieu dans lequel on évolue. Mais je ne crois pas que cela soit uniquement pour obtenir la txapela (béret que remporte le/la bertsolari sacré.e lors du championnat général du Pays Basque), je dirais que c'est le rêve d'un parcours plutôt que celui d'une arrivée. Je pense qu'on rêve tous de faire des bertsos d'une certaine manière, c'est à dire de savoir exprimer par le verbe tout ce que l'on a en tête. Pour cela, il faut un appétit féroce, une grande exigence avec soi-même. Et c'est souvent très frustrant car on n'atteint que rarement ses objectifs. Il faut donc un certain caractère, d'autant plus quand tu commences à participer aux championnats et que cela a des conséquences sur ton travail. Mais je ne connais personne qui soit allé à une finale, juste pour passer la journée, et qui soit rentré à la maison avec la txapela sur la tête !
Vous qui parcourez notre pays, quel regard portez-vous sur l'actualité ?
J'en reviens toujours au même point mais je crois qu'il y a une énorme méconnaissance de notre propre société, de nous-même.
Il y a des rêves de toutes sortes dans ce pays. Il y a de grands rêves, un peu utopistes, qui offrent de très beaux slogans sur le papier, mais la réalité est toute autre. Moi j'aime bien les rêves utopiques, mais dans la pratique je ne pense pas que les gens surfent sur cette vague là aujourd'hui. J'en reviens toujours au même point mais je crois qu'il y a une énorme méconnaissance de notre propre société, de nous-même. Il suffit d'observer notre propre langage. Et je ne pas de notre langue l'euskara, mais plutôt de nos expressions, comme bestalde ou Frantzia, pour parler du territoire basque côté Hexagonal. Et je crois que cette méconnaissance de notre pays grandit avec le temps, qu'elle a des conséquences importantes sur tout le reste.
Si on ne sait pas ce qui nous unit, c'est compliqué. C'est notre langue qui nous unit ? Dans certains territoires, très certainement. Mais la langue basque poursuit son déclin. Je ne sais pas comment il faudrait gérer tout cela. J'évoquais aussi tout à l'heure la gestion actuelle de la fin du conflit, mais là aussi c'est un sujet qui ne pèse pas vraiment lourd dans les agendas de nos responsables politiques, voire qui a disparu de leurs agendas, tout comme notre langue d'ailleurs. Je pense que tout cela a été préjudiciable pour notre identité, pour nos revendications patriotiques. Alors, la question se pose : qu'est-ce qui fait notre cohésion territoriale ? Notre culture sort d'une pandémie, notre langue est plus faible chaque jour, nos rêves de pays, de plus en plus épars...
Ce sont les projets d'autoroutes, de TGV qui font notre pays? Je ne sais pas, j'en doute.
Comment occupez-vous votre temps libre ?
Je préférerais que l'on me donne un sujet qui ne me fait pas rêver et parvenir à le changer en un rêve.
J'aime aller en montagne et ces temps-ci j'apprécie surtout les choses simples, et tout particulièrement avoir du temps pour moi. Car avec deux enfants à la maison, ce n'est pas toujours facile ! Sinon, j'aime faire du sport, sortir en montagne, avec des amis, rien de très particulier. Mais en ce moment je signe pour avoir la possibilité de m'ennuyer un peu !
Quel est le sujet que vous aimeriez vous voir proposer sur scène ?
Je n'en ai pas et je serais plutôt à l'aise dans la situation opposée. Je préférerais que l'on me donne un sujet qui ne me fait pas rêver et parvenir à le changer en un rêve. En fait il y a le sujet qui est proposé mais il y a surtout la capacité de chacun d'amener ce sujet là où l'on souhaite. Souvent on rêve du sujet qui nous offre la possibilité d'en faire un peu ce que l'on veut.
Je préfère donc me concentrer sur cette compétence personnelle plutôt que sur ce qui n'est pas en mon pouvoir. J'aime bien les sujets qui m'offrent la possibilité de me mouvoir. Ensuite c'est moi qui gère mes mouvements.
Quel est le gros titre qui vous a le plus impacté dernièrement ?
La fermeture des frontières m'a beaucoup perturbé intérieurement.
La fermeture des frontières m'a beaucoup perturbé intérieurement. Tout à coup un tas de choses que l'on faisait normalement, depuis toujours, est devenu si compliqué. Comme par exemple le fait d'aller à mon village natal, qui devenait quasiment mission impossible. Tout cela m'a bouleversé oui. J'avais de nouveau en mémoire les images de la frontière de notre enfance, avec la cabane sur le pont et le policier qui systématiquement tapait à la vitre pour demander « vos papiers ! ».
Un rêve ?
Continuer ainsi, avec un petit peu plus de temps libre peut-être, mais sinon je dirais que je vis plutôt bien.