Polo Garat

Polo Garat

"La photographie est un moyen d’expression, j’y mets mes coups de gueules, mes crises d’amour, je parle de moi en quelque sorte"

  • LaukitikAt
  • 07/07/2020
  • Langue : Français

C'est devant le garage de son père à Barcus que Polo Garat (Saint Palais, 1967) nous a donné rendez-vous. Le vrombissement des moteurs réparés dans ce hangar a d'ailleurs un lien avec sa passion pour la belle mécanique des appareils photographiques. Amoureux des montagnes souletines, c'est la mer qui le fait rêver ; passionné de l'image, c'est le bruit de sa Harley qui le fait voyager. Entre deux déplacements à Toulouse où il a encore son studio, c'est au quartier de la Chapelle que le photographe ambigu nous a invité à boire le café.

De Barcus à Toulouse, racontez-nous votre parcours.

Je suis souvent sur la route entre Barcus et Toulouse. J’ai mon studio photo au centre-ville de Toulouse, j’y fais des photos commerciales et j’y travaille aussi mes projets, mais je suis de Barcus, et je suis très attaché à mon village que je n’ai jamais réellement quitté. J’ai quitté la Soule à 17 ans environ pour faire un BTS photographie à Toulouse, puis j'ai continué ma carrière là-bas. J’ai choisi Toulouse parce que je ne voulais pas aller à Paris, ni à Bordeaux, peut-être à cause des palombières, des cèpes et de tout ça. J’ai choisi Toulouse pour son coté multiculturel mais aussi pour le rock and roll. On peut dire que c’est la musique et surtout la découverte du punk-rock qui m’a fait quitter ces collines pour vivre la musique plus intensément ailleurs. Peut-être aussi que la photographie était au début un prétexte vis-à-vis des parents.

Vidéo de l'entretien

Vous préférez plutôt les grands espaces souletins ou le studio toulousain pour travailler ?

Jeune j’ai très peu photographié Barcus, j’avais besoin de nouveauté, je ne voyais pas le trésor que j’avais sous les yeux.

Pour mon travail je choisirais plutôt le calme des prairies de Barcus. Toulouse n’est pas une ville que j’ai réellement photographiée ; c’est bien situé, on n'est pas loin de Barcelone, on est près des Pyrénées, et j’ai compris que si j’ai choisi Toulouse, c’était peut-être aussi pour cette proximité des montagnes, même si on a l’impression que Bordeaux est plus proche du Pays Basque à cause de l’océan et de ce côté un peu « Sud-Ouest ». J’ai toujours eu du mal à me dire que Toulouse était une ville du Sud-Ouest. C’est un peu comme ici, on est au nord du Pays Basque mais aussi au sud de la France, et de l’autre côté c’est le sud pour nous mais c’est aussi le nord de l’Espagne.

Par ailleurs, j’aime les contrastes, et quand j’ai quitté Barcus, sans jamais vraiment le quitter en fait, je suis allé habiter dans une barre d’immeuble à Empalot, un quartier sensible de Toulouse ; j’ai adoré ce contraste, et j’ai beaucoup photographié le quartier. Jeune j’ai très peu photographié Barcus, j’avais besoin de nouveauté et je ne voyais pas le trésor que j’avais sous les yeux, c’était trop mon quotidien, je trouvais que tout le monde pensait un peu la même chose, j’avais l’impression d’être un peu différent, de penser différemment. Je me suis senti aussi un peu isolé, du fait de ne pas avoir la langue basque, car c’était pour moi vraiment interdit. J’ai commencé l’école très tôt et mes amis des fermes avoisinantes qui parlaient très peu le français étaient punis. Donc tout petit déjà, j'ai bloqué sur le basque, je disais que c’était des gros mots. Puis, par la suite, j’ai essayé de rattraper cette lacune, en jouant à la pelote ou en dansant pour la mascarade en tant que cantinière. On m’appelait la « cantinière punk » parce que dès 12 ans j’ai découvert la musique de The Clash, les Sex Pistols, j’ai découvert cette contestation, cette liberté, et cela ne m’a jamais quitté.

Quel a été le moment où vous avez pensé « Je veux être photographe » ?

Il y a eu un élément déclencheur en effet, c’était au collège d’Oloron, en 4ème avec les curés ; nous avions eu une semaine d’initiation à l’audiovisuel où nous devions choisir la photographie ou la vidéo. Là, fini les cours, pas de classe, je me suis retrouvé avec un appareil photo, le Canon AE1 qui venait de sortir et j’ai eu comme on dit, le coup de grâce. On est parti en ville toute la journée faire des photos, que l’on a ensuite développé ; on avait aussi eu un petit travail de réflexion pour éviter de photographier n’importe quoi et c’est ainsi que j’ai découvert le métier. C’est peut-être aussi le côté mécanique qui m’a attiré ; je suis fils de garagiste et j’aime les belles mécaniques. Quand j’ai vu un appareil, j’ai pensé que j’avais une sacrée mécanique entre les mains qui pouvait me permettre de faire un peu tout ce que j’avais envie de faire. En effet ça a été souvent le cas, cela m’a donné une liberté de vie, de voyages, de rencontres, à vrai dire très peu de choses m’ont été imposées. Au tout début peut-être, jeune photographe on subit certaines commandes ; mais avec le temps on prend plaisir à faire ce travail, même dans les parties commerciales. Et cela m’a aussi permis de développer ma propre photographie. J’ai découvert que je voulais être photographe à mes 13 ans mais déjà je ne voulais pas être photographe de mariage, ou photographe sportif, j’étais déjà fasciné par des magazines photos que je volais à côté du collège ; j’attendais tous les mois que les magazines Photo et Zoom sortent, de très beaux magazines qui m’ont donné le goût du papier et en même temps la passion de la photographie. Je me disais déjà que j’allais faire des photos pour ce genre de magazines, j’avais l’impression d'y voir des travaux de photographes totalement libres et sans complexes.

© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)
© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)

Vous êtes plutôt photoreporter, photographe d'art, … ou tout à la fois ?

Les étiquettes on nous les colle, mais moi personnellement je n’en revendique aucune, je suis un photographe. On me dit que je suis un artiste et cela me va aussi, parce que l’art est propre, il est personnel et moi j’essaie d’être sincère dans ce que je fais. Je me mets parfois des freins car je ne veux pas blesser les gens, mais je photographie malgré tout, même si derrière je ne publie pas certaines choses. C’est aussi un moyen d’expression, j’y mets mes coups de gueules, mes crises d’amour, je parle de moi en quelque sorte. Un artiste parle de lui, sinon ce n’est pas un vrai artiste.

Croyez-vous que votre identité influence votre travail ?

On m’appelait la « cantinière punk » parce que dès 12 ans j’ai découvert la musique de The Clash, les Sex Pistols.

Énormément oui, c’est elle qui décide de tout, étant donné que je travaille à l’intuition sans faire de préparation. Quand je voyage, je prépare des choses, mais ensuite je ne respecte pas ce que j’ai préparé et je travaille selon les rencontres, mon intuition. Je pense que c’est une partie des traditions qui sont en moi. La photographie c’est une question de choix la plupart du temps ; il faut choisir le cadre, la lumière, puis il faut ensuite attendre pour obtenir cette lumière. Le fait de ne pas être pressé comme en ville, cela fait aussi partie de mon identité culturelle, le fait d’aller à l’essentiel, d’éliminer les artifices, je crois que tout cela fait partie de mon identité souletine ou rurale, j’ai l’impression que les gens sur la côte son plus pressés, mais ils le sont quand même moins que dans les grandes villes comme Toulouse ou Bordeaux. Je crois que les souletins sont ouverts, même si on a souvent l’impression que c’est le contraire, qu’ils sont froids ; ils s’intéressent aux autres, à ce qui est différent, je pense que cela fait aussi partie de mon identité. À Barcus, on est fier d’avoir Pierre Topet Etxahun, qui est un modèle pour moi, il a tué par amour, c’est quelque chose de fort. C’est peut-être l’isolement, le temps, le silence qui permettent à chacun d’observer, de mieux regarder, penser, réfléchir, ou de créer quelque part.

Une image doit-elle parler d'elle-même ?

Pour moi la photographie c’est aussi une arme qui peut être dangereuse, on le voit dans les médias.

Je pense qu’elles doivent parler d’elles-mêmes quelque part, étant donné que certaines de mes photos sont retenues pour des expositions. Mais par ailleurs les gens aiment aussi beaucoup lorsque je raconte mes images, le contexte, ce que j’ai voulu dire. C’est peut-être aussi l’époque qui veut cela, on raconte pas mal de choses sur ce que l’on fait, ce n’est pas obligatoire pour moi. Je suis quelqu’un qui parle très peu, peu de mon travail et encore moins de moi, c’est pour cela que je fais des photographies, c’est un moyen d’expression pour moi, et cela suffit normalement.

Où puisez-vous votre inspiration ?

La photographie est un moyen d’expression, j’y mets mes coups de gueules, mes crises d’amour, je parle de moi en quelque sorte.

Ma grosse inspiration est musicale, certains morceaux, des paroles, un genre de musique, c’est ce qui me donne une idée de série. Je fais des photos, elles sont là et je réfléchis après ; je préfère cette démarche. J’ai toujours été anti-scolaire, j’ai toujours eu un problème avec l’autorité. Quand j’ai fait ma formation photo, je pensais que cela me procurerait une ouverture d’esprit et je me suis retrouvé face à des diktats techniques, trop de choses à savoir. À 17 ans je n’en voulais pas, je voulais manger la vie, sans qu’on me dise comment faire. Heureusement, après ma formation, j’ai appris la technique grâce à un photographe. Il m’a dit qu’il ne ferait pas ma culture photographique, que c’était à moi à la faire. On m’avait aussi proposé d’aller aux beaux-arts mais je n’ai pas voulu. J’ai préféré faire mon propre art, que ça marche ou pas d’ailleurs, cela n’a pas d’importance. Pour payer les factures et m’acheter à manger, je fais de la photographie commerciale, et je trouve cela plus intéressant et surtout moins nocif pour l’esprit. J’ai du mal avec les photographes qui ne sont qu’artistes, quand je vois qu’ils ne font que des choses dans l’air du temps, je ne sais pas si leur démarche est aussi sincère que cela. J’essaie d’être sincère.

© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)
© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)

Quelle est la principale qualité d’un photographe ?

Je pense que le seul moyen de s’en sortir aujourd’hui, c’est la lenteur, c’est d’attendre, de se poser.

Avoir de bonnes chaussures, pour marcher et aussi savoir prendre le temps. Mais cela dépend, certains photographes recomposent tout, d’autres se servent du monde dans lequel ils vivent. Mais je crois qu’il faut savoir prendre le temps, ne pas s’affoler. J’ai vu trop de travaux personnels, qui sont exécutés après une commande où certains manquent de temps, et cela se voit dans le résultat. Pour moi la photographie c’est aussi une arme qui peut être dangereuse, on le voit dans les médias. J’en parle parce que je ne suis pas photographe journaliste, je suis sans étiquettes. Je fais beaucoup de portraits, et le portrait c’est comme le tango, ça se danse à deux, ce n’est jamais le photographe seul. Déjà on met son ego de côté, on est humble face à la personne, il y a un aspect psychologique que j’aime bien et en général cela se passe très bien ; je crois que l’on se fait du bien mutuellement. Il y a une sorte d’échange, et j’aime bien les échanges.

Entretenez-vous des relations avec d'autres photographes du pays ?

Je connais quelques photographes mais peu importe leur nationalité, cela n’a pas d’importance pour moi. Être basque a de l’importance dans ce que je suis, mais cela ne limite pas mon travail, j’aurais l’impression d’être régionaliste, cela ne m’intéresse pas. Grâce aux festivals j’ai eu la chance de rencontrer des gens d’un peu partout dans le monde et j’ai adoré ce qu’ils faisaient, même en étant très loin de la culture basque. Moi je suis un amoureux de l’image, vraiment. Je vois très vite quand cela me plaît ou pas, l’origine de la personne ne m’intéresse pas, au contraire cela pourrait influencer mon point de vue, je préfère donc garder ce langage universel.

Je n’ai jamais aimé le tourisme, cela apporte l’asservissement d’un peuple et transforme les traditions en folklore.

Je suis pour la langue basque, je suis abertzale, cela ne changera jamais. Je n’ai pas la langue, mais la photographie me permet de parler aux basques, aux français, aux anglais, aux espagnols, aux italiens, j’aime ce côté universel, même si la langue est essentielle à mes yeux. C’est peut-être aussi un peu pour ça que j’ai quitté le village, parce que c’était un poids de ne pas savoir la langue basque, surtout quand on est cantinière à la mascarade, que l’on discute avec les autres ; il y a un moment où même en comprenant plus ou moins de quoi on parle, on perd le fil. Lorsqu'on allait danser de l’autre côté de la frontière, c’était encore plus fort, personne ne s’intéressait à moi, tout le monde parlait aux souletins euskaldun. Le Pays Basque doit donner les moyens à tout le monde de parler sa langue s’il veut garder ses enfants. Je suis peut-être négatif par rapport à ce sujet, mais aujourd’hui le Pays Basque a choisi l’ultralibéralisme et ce fonctionnement libéral entraînera la perte de la langue. La côte l’a totalement perdu, sans parler du paysage, les affiches, les résidences, l’absence de la nature, c’est une horreur. En même temps je suis fan de l’océan, j’ai jeté les cendres de ma mère à Sainte-Barbe, c’est mon petit coin à moi ; ma mère m’a offert un bel endroit mais elle n’a pas calculé qu’avec tous ces touristes je ne pourrais pas y aller en saison. Je trouve cela fou, je n’ai jamais aimé le tourisme, je trouve que cela apporte l’asservissement d’un peuple, cela transforme les traditions en folklore, et cela donne du travail seulement à ceux qui ont choisi de travailler dans cette branche et ce deux mois dans l’année ; le reste du temps c’est débrouillez-vous. Le mal est fait.

Quel est le projet que vous avez entre les mains aujourd'hui ?

Je vais venir m’installer dans l’ancien garage de mon père, je vais y installer un studio photo, avec une galerie, ce sera un lieu d’échanges. J’ai aussi le projet d’organiser un festival de photographie à Barcus et d’y inviter des photographes du monde entier pour exposer dans tous les quartiers de Barcus.

L’évolution technologique a-t-elle changé votre vie ? Votre travail ?

Moi je travaille en argentique pour mes séries photos destinées aux galeries, aux expositions. Ce n’est pas du tout la même façon de travailler, je prends plus de temps, le rendu est très différent, le numérique n’a pas un bon rendu, surtout dans les portraits. On nous demande de faire du numérique, pour faire faire des économies à nos clients. Moi cela me double mon temps de travail en sélection d'images, en post-production, parce que j’essaie de faire ressembler mes images digitales à de l’argentique, avec un rendu couleur et des contrastes argentiques.

Mais en même temps c’est grâce à la technologie que je vais pouvoir revenir à Barcus, parce que j’ai Internet, je peux travailler, sélectionner et envoyer mes images depuis la Soule et je prends donc le temps, sans bruit, au calme, je travaille beaucoup mieux. La technologie me permet aussi d’échanger plus facilement. Avant c’était quasiment impossible de troquer des images contre de la nourriture ou autre, parce que les films, les développements, tous les frais techniques coûtaient chers. Maintenant avec le numérique, de plus en plus de gens ont besoin d’images pour leur site, pour vendre leur produit ou service de chez eux, avec une vitrine sur Internet, et je ne vous cache pas que je fais de plus en plus de photos pour les réseaux sociaux. Personnellement, faire tourner un compte Instagram, cela me fait un peu délirer, mais cela me permet aussi d’avoir une vitrine. J’ai un blog aussi où je mets mes réalisations plus commerciales. Sur mon site je montre plutôt mes séries d’expositions. Il y a quand même un aspect que j’aime, parce que j’ai de véritables rapports de confiance avec certains clients. Par contre je ne vais pas photographier ce que je mange, ou faire des selfies pour mon compte Instagram. C’est vraiment un outil commercial qui peut être bénéfique.

© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)
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Photoshop, un peu ? Beaucoup ? Pas du tout ?

Et bien je paye 12 euros par mois pour avoir Photoshop, ils nous ont bien eu ! Je travaille les contrastes, je rajoute un peu de lumière, je peux enlever un interrupteur ou une poignée de porte, mais c’est tout, je ne retouche rien sur les gens. Cela me sert à développer, à valoriser les images parce que l’image brute numérique n’est pas suffisante pour moi, même si certains l’utilisent. Mais je ne fais pas de montage sur Photoshop. Souvent mes clients le font derrière, mais c’est une autre partie. Le fait de faire de l’argentique permet de faire des cadrages précis, d’attendre la bonne lumière pour ne pas avoir à en rajouter, le fait d’attendre, c’est important.

Je pense que le seul moyen de s’en sortir aujourd’hui, c’est la lenteur, c’est d’attendre, de se poser, car obligatoirement, ton travail sera différent. J’aime bien les différences.

Que fait Polo sans son appareil photo ?

C’est peut-être parce que je suis de la montagne et que j’ai besoin d’avoir les pieds sur terre, mais la mer, l’océan, cela me fait rêver.

Il regarde ce qu’il va photographier, il réfléchit, il partage des moments avec ses amis. Je ne photographie pas beaucoup, je ne suis pas un shooter à fond, je passe beaucoup de temps dans l’approche, la réflexion, j’apprends à connaître les gens avant de les photographier. Je prends du temps pour ne pas me tromper, j’ai vu beaucoup de choses mal faites dans la presse magazine. Je collabore avec des magazines mais rarement dans une actualité immédiate, c’est plutôt du travail sur du long terme, des commandes avec au moins une dizaine d’images, où l’on montre bien son approche du sujet.

Ce que je n’ai pas dit c’est que j’aime autant la moto que la photographie, les deux vont ensemble pour moi. En moto je suis libéré, je pense à beaucoup de choses, il faudrait presque que je m’arrête pour noter toutes les visions que j’ai eues.

Les voyages ?

La photographie m’a donné une liberté de vie, de voyages, de rencontres.

À un moment donné j’ai beaucoup trop voyagé et cela m’a perdu, j’ai donc décidé de ne plus prendre l’avion et de ne voyager qu’en Harley Davidson. J’ai mon sac accroché sur la moto et je me sens plus proche. Quand je partais en voyage, je choisissais toujours une destination où je connaissais quelqu’un, pour pouvoir partager des moments avec cette personne et éviter quelque part d’être seulement un touriste, même si on l’est toujours un peu quand on voyage. Par contre le fait de voyager m’a donné vraiment envie de photographier Barcus, mes proches, de me faire des souvenirs. Je peux rêver aussi de traverser toute l’Europe en moto, avec de l’essence et des pellicules, de m’arrêter et de photographier quand j’en ai envie, sans but ni destination précise.

Noir et blanc ? Couleur ?

Le monde est en couleur alors le noir est blanc, c’est comme si on mettait des lunettes noires. J’en ai fait beaucoup au début mais ensuite, j’ai voulu documenter. J’avais l’impression qu’en noir et blanc je ne savais pas de quand dataient mes photos, tandis qu’en couleur on reconnaît de suite à quelle époque on les a faites, c’est marqué. Il y a une poésie dans le noir et blanc qui me touche, mais c’est un peu comme quand je ne veux voir personne et que je mets des lunettes noires. Je suis ambigu, c’est vrai, mais je me sers un peu aussi de cette ambiguïté pour m’exprimer dans mes images.

© LaukitikAt (EKE | cc-by-sa-nc)
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Le patrimoine immatériel c'est important pour vous ? Que faut-il garder ou laisser derrière ?

Le patrimoine immatériel est très important à mes yeux. Ce n’est pas moi qui ai dit ceci : « Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient » mais cela définit très bien ce que je pense. Ce sont mes racines qui m’ont fait, j’ai été élevé à Barcus et mon patrimoine immatériel est rural ; la ville n’a pas laissé d’empreintes sur moi, aujourd’hui je me sens toujours plus de Barcus que de Toulouse ou d’ailleurs. Il y a aussi un second aspect plus technologique du patrimoine, mais je ne crois pas que l’on puisse parler là de patrimoine, car il sera trop éphémère.     

Pour conclure, voulez-vous répondre à une question que vous aimeriez que je vous pose ?

J’aimerais bien que l’on me demande si je pourrais être intéressé par un petit appartement sur la côte, non meublé à louer à l’année. J’aimerais avoir un petit studio pour regarder l’océan, entre Bidart et Guéthary, pour me bonifier, pour penser, pour travailler. La mer m’attire énormément, je pense à tous ceux qui sont partis, vers leur destin, certains sont revenus, d’autres ne reviennent jamais, je me raconte pleins d’histoires ; la mer c’est ma chaîne de télévision préférée. C’est peut-être parce que je suis de la montagne et que j’ai besoin d’avoir les pieds sur terre, mais la mer, l’océan, cela me fait rêver.

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