Pantzo Irigaray (1957, Baigorri, Basse-Navarre) est connu pour ses pièces de théâtre. Animateur et journaliste à Irulegiko Irratia, il a perpétuellement cherché à faire rire, même au coeur de l'actualité. En compagnie de Kike Amonarriz, il retrouve la scène pour le sketch Bidaso: biga so, Ipar Irriak eta Hego erak, le 23 mars 2011 à la salle Koldo Mitxelena de Saint Sébastien, à l'occasion du cycle Iparraldea Bertan!.
Xan Aire : Dans quel environnement avez-vous grandi ?
Pantzo Irigaray : Dans un monde paysan, à Baigorri, au quartier retiré de Izpegiko Erreka, dans la maison Intxaia. Mon père était ouvrier agricole, puisque nous n'étions propriétaires ni de nos terres, ni de notre maison. C'est principalement notre mère qui nous a élevés, puisque notre père était souvent dehors, au travail. J'ai été à Baigorri jusqu'en troisième, au cœur de la Basse-Navarre...
Aviez-vous accès à la langue, voire à la culture basque ?
Non, pas du tout. Je dois avouer que je ne parlais pas basque jusqu'à l'âge de 15 ans. C'était pourtant ma langue maternelle, mais je l'avais perdue à l'école. Je comprenais, mais étais incapable de prononcer un mot d'euskara.
Pour quelle raison ?
Nous parlions toujours en français à l'école, entre copains également, puis à la maison, nous avions pris cette habitude avec ma mère... Nous employions le basque seulement avec les personnes âgées. Et voilà qu'un jour, comme je le dis dans l'un de mes sketches, j'eus une véritable révélation, un miracle... Ce que Xalbador appelait la conscience basque m'était apparue, lors de ma première année d'université, à l'Euskal Etxe de Pau. Je fis la connaissance de chanteurs tels que Xabier Lete ou Gorka Knörr, dont je n'avais jamais écouté l’œuvre... Voilà comment j'ai commencé à me forger une identité basque. J'eus alors une terrible faim, ou plutôt une soif de connaissances, et me mis à me réapproprier la langue basque, et à vouloir intégrer le monde abertzale. Je me suis mis à lire du début à la fin l'hebdomadaire Herria, que je n'avais jamais touché auparavant ; je me souviens avoir lu, à cette époque là, Azken elurra, œuvre de Eñaut Etxamendi...
Mais vous ne vous êtes pas arrêté en si bon chemin...
Non, j'avais une terrible envie d'écrire en basque, j'étais plein d'imagination... Mais je ne pensais qu'en français. Je fis le grand saut grâce à Daniel Landart, qui recherchait des comédiens pour la troupe Xirrixti Mirrixti. Je répondis oui immédiatement à sa proposition, malgré toute mon appréhension, puisque je ne savais pas si j'étais capable d'assumer une telle chose. C'est ainsi que je participai à la pièce Nola jin, hala joan. Je n'oublierais jamais ma première apparition, je ne me souviens pas avoir eu autant peur de toute ma vie ! Mais cela me plut énormément, et je continuai dans la troupe, en tant que comédien, durant environ dix ans. Puis mes compères m'ont poussé à écrire, dans les années 1990. Il y avait peu de créations à l'époque, et les différentes compagnies ne jouaient que du classique, comme des pièces de Larzabal. Voilà comment j'ai écris India Beltzak pour Xirrixti Mirrixti, en 1995.
Qu'est-ce qui vous a aidé à écrire ?
Je dois avouer que le fait d'écrire la pièce de radio Antton eta Maria m'a énormément aidé à franchir le pas. Il m'était plus facile d'écrire une pièce de radio. Dans le monde du théâtre, il y avait des noms comme Landart, Larzabal, Monzon... Je n'osais pas pointer mon nez au milieu de ces plumes-là... Puis, un jour, avec ma collègue Marie-Agnès Gorostiague, nous avons créé Antton eta Maria pour une annonce. Une fois, puis deux, puis trois... Les auditeurs ont adoré, et c'est ainsi que nous avons continué l'aventure...
Vous avez amené le rire à la radio...
Je ne sais pas, mais les émissions humoristiques sont devenues un peu ma marque de fabrique. Antton eta Maria, Petzero, Gezur Flash... Je suis longtemps resté animateur, mais ces trois dernières années, je présente le journal.
Comment vivez-vous dans ce ton sérieux ?
Ce n'est pas toujours évident ! Quand je prépare un sujet d'actualité, je me dis parfois qu'il mériterait une bonne parodie. Mais je ne peux pas me le permettre, ce sont les nouvelles officielles... D'autres fois, il est difficile de relayer des choses que je ne crois absolument pas, comme lors de versions officielles. Mais comme je ne peux pas m'en moquer, je suis frustré.
Des parodies comme Gezur Flash vous sont donc nécessaires...
Ah oui, mais pas seulement pour moi ! Il ne faut pas toujours prendre les choses au premier degré. Je ressens un manque d'humour dans les radios. Il nous faudrait plus de tranches de bonne humeur. Avec l'humour, on peut se permettre de faire ressortir certaines vérités. Des émissions comme Les Guignols sont nécessaires.
Justement, pour quand les imitations dans votre radio ?
Quand nous trouverons les artistes nécessaires ! Je m'y suis déjà risqué dans certains volets de Gezur Flash. Il paraît que je réussissais bien Pierre Molères, l'ancien évêque de Bayonne. Mais il y a certains politiques faciles à caricaturer : Grenet, Lasserre, Barthélémy Aguerre, Maitia... Si j'arrête de présenter le journal, c'est dans mes projets de lancer les imitations à la radio.
En attendant, vous retrouvez la scène avec Kike Amonarriz...
Oui, comme on peut s'y attendre avec le titre de notre œuvre, Bidaso: biga so, Ipar Irriak eta Hego erak, il y aura pas mal de jeux de mots... Comme il y a des points de vue différents de part et d'autre de la Bidassoa, nous traitons du regard porté les uns envers les autres, en jouant avec les clichés. Notre point de départ est une enquête effectuée par l'Institut Culturel Basque, un micro-trottoir dans les rues de Saint Sébastien pour connaître l'image des jeunes envers le Pays Basque nord. De jolis clichés en ressortent : la pastorale, le surf, une langue basque bizarre, ou encore le froid ! Autour de cela, nous jouons aux chercheurs avec Kike. Lui est de Deusto, moi de la Sorbonne. Nous publions nos résultats sur scène, cherchons des solutions, non sans humour. Et chacun raconte son expérience "de l'autre côté", avec des anecdotes.
Vous avez de quoi dire, puisque vous affirmez que vos pièces, ou celles du Pays Basque nord ne sont pas comprises au sud...
Oui, c'est le problème des dialectes, que j'ai déjà évoqué par le passé. J'ai déjà vécu la frustration de ne pas avoir su tout communiquer. Certains passages où le public riait en Iparralde n'étaient pas compris en Hegoalde. Ce sont, à titre personnel, des expériences négatives.
Quelle relation avez-vous avec le rire ?
Trop étroite ! L'envie de rire m'irrite. Je recherche toujours le côté comique d'un discours, d'un dialogue. C'est quelque part une obsession ! Je dois faire rire les gens, et moi-même également. C'est une relation trop brutale.
De quoi ne peut-on pas rire ?
De la situation de la langue basque. On se sert parfois de l'humour pour cacher nos blessures ou nos soucis. Mais la situation de l'euskara me fait trop mal. Nous en sommes tous les jours témoins à la radio. Il faut aider les jeunes, au niveau linguistique, pour pouvoir publier leurs annonces... Pourquoi les gens ne sont pas plus attachés à cette langue ? Tant de choses sont faites, à travers les radios, les ikastola, pour déclencher cette conscience... Je ne peux pas le concevoir, et cela me révolte.
Finalement, êtes-vous un clown ? Faites-vous rire pour cacher vos blessures ?
Certains ne me croiront pas si je réponds oui. Mais pourtant, c'est tout à fait cela. Je suis plutôt négatif au fond de moi. Surtout au sujet de l'identité basque. Mais l'humour prend toujours le dessus !