Imprégnée, dès son plus jeune âge, du monde de la danse traditionnelle basque et engagée dans le registre de la danse contemporaine, la chorégraphe Pantxika Telleria a fondé sa compagnie professionnelle EliralE en 2001. Une compagnie qui investit le monde de la création pour le jeune public en collaborant avec des intervenants de différentes disciplines artistiques...
Après avoir composé des pièces essentiellement chorégraphiques, Pantxika Telleria aime à présent mêler plusieurs disciplines (théâtre, musique, danse) dans ses créations : parmi celles-ci citons Lodikroko, pièce en direction de la petite enfance et Otto qui sera présentée en novembre 2009.
Au mois d'avril 2009, elle nous a accordé un entretien dont voici quelques extraits.
Dans mes souvenirs d'enfance, je revois ma mère et mes tantes dansant le fandango, et moi désirant entrer dans cette ronde, ou du moins essayant... Puis, je suis rentrée au groupe de danse Begiraleak de Saint-Jean-de-Luz. Ensuite, j'ai fait de la danse moderne jazz et classique.
J'ai passé quatre ans au Conservatoire de Paris, jusqu'à ma blessure au genou. Je ne sais pas si je laisserai ma fille suivre cette même voie, vu l'âpreté de cet univers : beaucoup de concurrence, un professeur très sévère, d'un certain âge et de la vieille école. Des morceaux de fer étaient mis dans les pointes des danseuses pour qu'elles se blessent. Un monde bizarre et particulier. Au cours de ma dernière année, un nouveau directeur a introduit la danse moderne ainsi que d'autres activités telles que le théâtre, le chant, et il a créé un jeune ballet. A mon époque, on utilisait de mauvaises méthodes, un grand nombre d'étoiles ont été révélées, mais à quel prix ! A vrai dire, je n'en garde pas un bon souvenir.
J'ai eu un problème au genou et je me suis arrêtée cinq ans. Cela suppose une nouvelle orientation : après avoir obtenu le bac, j'ai fait des études d'espagnol et de basque à Bordeaux. Mais je ne regrette rien. J'ai dansé aussi à Bordeaux, mais un peu seulement. Je me suis rendue compte que je n'étais pas faite pour l'interprétation, mais plus pour la chorégraphie. Et quand j'ai créé la compagnie, j'ai décidé de ne pas danser. J'aimais bien plus diriger, mettre en oeuvre une création. Cela s'est passé ainsi et je suis très heureuse d'être chorégraphe.
J'ai beaucoup pratiqué la danse basque et, à mon retour de Paris, j'ai dansé trois ans à Begiraleak. Les danseurs de ma compagnie ne sont pas tous d'ici : un est japonais, un coréen, un autre de Savoie et un de Paris. Quand je crée des pas et mouvements, ils me demandent : « Mais d'où sort-tu ces gestes ? ». Moi je sais : en m'inspirant de la danse basque et avec la technique que j'ai acquise. Nous n'avons pas tous les mêmes techniques de danse : par exemple, je ne danse pas du tout de la même manière que Jon Maia, alors que seulement 20 kilomètres nous séparent. Nous avons au Pays basque nord, et en particulier en Labourd, une approche gestuelle globale : nous bougeons ensemble les hanches, les pieds et l'épaule d'un même côté. Cette globalité se retrouve dans les mutxikoak. Dans d'autres techniques, les coordinations sont différentes. Alors, pour moi, ce qui lie la danse et l'identité basque, c'est mon corps et une certaine façon de voir la vie.
La culture basque, elle, s'adapte très vite, et ça génère une sacrée richesse. Je ne conçois pas la culture comme appartenant aux institutions. Elle est en nos mains pour permettre de donner un autre sens à la vie. Si tu t'arrêtes au quotidien, la vie peut sembler triste ou ordinaire : prise dans ce sens, il faut de l'énergie en se levant le matin. La culture est un trésor qui permet de regarder le monde, de l'embellir et l'égayer.
La danse contemporaine offre une plus grande liberté d'expression. Elle a mille facettes : tu as la danse théâtrale, un mouvement qui a débuté en Allemagne ; les techniques Graham et Cunningham ; en Inde et en Afrique, la danse contemporaine existe aussi. Alors pour moi, la danse contemporaine, c'est le mouvement et une autre manière d'aborder la danse. Nous, artistes, nous savons très bien à quel public nous nous adressons. Lorsque j'ai participé au festival de Biarritz, je savais ce qui allait plaire et à qui. C'est impressionnant, il y a très peu de personnes capables d'apprécier, à la fois, les ballets classiques et les oeuvres contemporaines.
Nous nous produisons beaucoup auprès des écoles, autour de projets d'un ou trois mois, et ça s'arrête là. J'avais envie de créer un groupe pour mesurer dans le temps le travail réalisé et les expériences acquises. Des parents le réclamaient. J'ai commencé, il y a quinze ans, puis j'ai abandonné : je voulais ce groupe bilingue, mais on finissait toujours par nous exprimer en français. J'ai alors décidé d'en créer un en basque pour faire passer l'expression corporelle dans cette langue. Beaucoup d'enfants ont répondu et nous avons dû créer deux ateliers.
Mon idée était de créer une structure ouverte pour partager avec les enfants, en activités scolaires et extra-scolaires. J'ai aussi un atelier avec un groupe de femmes âgées de plus de 50 ans. Joselu Berasategi a, avec les parents de l'ikastola d'Ascain, monté une pièce (Putxerriko satorrak). La danseuse Célia Thomas participe également beaucoup à ces ateliers. Maintenant, je travaille avec Joseba Irazoki pour la musique, Jose Cazaubon pour la danse, Maialen Maritxalar pour les arts plastiques, donc au sein d'une structure pluridisciplinaire.
Nous ressentons beaucoup d'émotion avec toutes les pièces que nous donnons, mais tout de même pas autant que dans la vie. Pour moi, les deux plus beaux moments de ma vie sont la naissance de mes enfants : les mettre au monde, à ce moment où la vie est en jeu. En chorégraphie aussi, l'émotion est là, et c'est ce qui est le plus important, il me semble que nous devons nous laisser guider par elle. Et bien souvent, les amateurs en donnent beaucoup et touchent le grand public qui s'identifie à eux.