C'est très jeune que l'artiste Marc Armspach, (Bordeaux, 1969), a choisi le surnom "Marko" pour nom de plume. À 14 ans il savait déjà que lui aussi allait dessiner des histoires, tout comme Franquin, son auteur vénéré. Dix années plus tard, il obtient son premier emploi à Paris pour dessiner Babar l'éléphant. Aujourd'hui, il publie deux ou trois albums par an pour différentes maisons d'éditions. En ce début d'année 2020 baptisée année de la BD, il nous accueille dans son atelier à Ustaritz pour nous parler de sa passion pour le dessin mais aussi de son envie de prendre un peu plus le temps de vivre.
Enfant, c'est en feuilletant vos premiers albums que vous avez demandé à vos parents des feutres et du papier ?
On me dit souvent que je suis né un feutre à la main… J’espère pour ma mère que ça n'a pas été le cas, la pauvre, elle aurait souffert. Plus sérieusement, c'est vrai que j'ai toujours eu cette envie, je ne sais toujours pas d'où cela a bien pu venir. Dès mes 14 ans, dessiner est devenu un objectif constant, je savais qu'un jour je dessinerais les histoires que je lisais, sans rien connaître au métier, ni savoir quel chemin j'allais prendre. D'abord, je lisais Spirou et d’autres bandes dessinées de ce style ; mon frère préférait les Strange et autres Marvel venus des États Unis, mais ce n'était pas mon monde. Adolescent je découpais les BD que j'avais chez moi et je les apprenais, je savais que je devais apprendre pour ensuite faire quelque chose. Alors, je découpais les dessins, un plan large, un plan serré, j'apprenais les onomatopées par cœur et j'imitais même les signatures d’auteurs (rires). Je garde encore le livre avec toutes ces signatures ! À ce moment-là, je ne savais pas que je rencontrerais ces dessinateurs des années plus tard.
Vidéo de l'entretien (en basque)
Racontez-nous votre parcours.
Dès mes 14 ans, je savais qu'un jour je dessinerais les histoires que je lisais.
Un jeune doit venir aujourd'hui pour observer mon travail de plus près et j'ai l'intention de lui dire ceci : "Lorsque tu as une passion, un désir, il ne suffit pas d'avoir envie, il faut une forte motivation qui se convertira en une corde solide sur laquelle il faudra t'accrocher durant ton parcours". Il faut travailler et travailler encore, regarder ce qui se fait et aussi savoir montrer aux autres ta motivation. Tu ne fais pas le chemin tout seul, il faut attirer les gens à toi, à ton mouvement. Dessiner était mon souhait dès le début, mais j'ai été très entouré. Dans un premier temps, mon professeur d'art-plastique m'a soutenu et mes parents aussi ont toujours été à mes côtés. Puis, il y a la famille que j’ai fondé, ma femme m'a beaucoup soutenu. Elle avait de plus un travail et un salaire fixe pour équilibrer les hauts et les bas de mon métier.
Qu'en est-il de votre formation ?
Il ne suffit pas d'avoir une passion, il faut une forte motivation et travailler, travailler encore.
Je n'ai pas reçu de formation, mais j'ai toujours eu avec moi une corde nommée motivation… Au lycée, j'étais en section art et littérature mais je n'ai pas été au bout ; je n'ai eu ni le brevet des collèges ni le bac. Puis on m'a parlé d'une école des beaux-arts à Pau, qui était faite pour moi, mais là-aussi, je n'ai pas fini l'année car j’ai eu entretemps une proposition pour intégrer l'école de l'image GOBELINS et pour travailler en parallèle dans un studio de dessins animés à Paris. Chez les GOBELINS je ne suis pas allé au bout non plus à cause d’une mésentente avec la personne responsable. Par contre, c'est là où, grâce à la motivation que je montrais, un autre participant m'a proposé de visiter son lieu de travail. Dix jours plus tard, je me trouvais au dernier étage d'un studio parisien à donner mes premiers coups de crayon sur une vraie table à dessin. J'ai toujours appris en faisant et je fonctionne toujours ainsi, auprès de collègues.
Quel a été votre premier travail rémunéré ?
C'est celui que je viens de citer à Paris quand j'ai intégré l'équipe de Babar l’éléphant. Quelques temps plus tard, je devenais objecteur de conscience à l'association Haize Berri d'Ostabat. C'est là où j'ai monté mon premier studio et où j'ai dessiné ma première affiche pour Iparrock, un festival de rock de l'intérieur du Pays Basque, mais aussi des flyers, des cartes, ...
Et Napartheid ?
Napartheid a été un moment important dans mon parcours, d'abord parce que c'est là où j'ai rencontré toute une équipe de dessinateurs géniaux et adorables mais pas que : c'est aussi le moment où je me suis vraiment intéressé à la culture de ce Pays ainsi qu'à son mouvement. C'est l'époque où j'ai appris le basque et découvert le mouvement des dessinateurs d'ici et aussi leur force. On peut créer tellement de choses ici et avec une telle énergie. Par exemple, il y a peu, nous avons organisé une grande séance de dédicaces à Bayonne et j'ai donc appelé les membres de cette équipe ; immédiatement ils étaient tous partant. Cette énergie est toujours là. Napartheid a vraiment été un moment important pour moi.
Napartheid a été un moment important dans mon parcours.
D’autre part, à l'époque de la revue Napartheid et plus tard aussi, le Pays Basque, la politique, les prisonniers, l'ETA, la répression étaient les thèmes récurrents dans nos dessins. Aujourd'hui, on explore et on parle de n'importe quelle sorte de sujet et on voit que certains dessinateurs travaillent ailleurs, il y a eu une grande ouverture... Cette ouverture aurait été impossible sans cette puissante énergie des débuts.
Racontez-nous la création d'une BD de A à Z.
Ce matin, j'ai vu sur Internet des bandes dessinées avec des bulles vierges, c’est à dire que le dessin est fait et il ne reste plus qu'à remplir les bulles en écrivant l'histoire que l'on veut. Notre travail se situe à l'opposé de ce concept. Il y a un boulot énorme et un vaste processus derrière une bande dessinée. En ce qui me concerne, il faut d'abord que je lise le texte de l'auteur. Puis arrive l’étape où je fais des recherches en lien avec le texte. Je vais à la rencontre de l'auteur, nous discutons sur ce que l'on souhaite dire et comment on veut faire passer l'histoire. Il faut savoir qu'il y a un vrai langage de bande dessinée. Je travaille avec différents auteurs et j'ai une relation et une façon de travailler différente avec chacun d'entre eux. En général, je prends connaissance du texte, je propose un premier dessin, puis, une fois cette idée validée, je finis la totalité du travail. Pour la série Le jour où le bus est reparti sans elle par contre, c'est différent : je découvre le texte, nous en discutons ensemble pour vraiment bien cerner ce que nous voulons transmettre aux lecteurs et ce n’est qu’ensuite que je dessine, je finis mon travail et enfin je le présente. Si on est d’accord avec le dessin, le style et l’intention, tout se passe bien, et on continue le travail. Enfin, il y a une troisième étape, celle du coloriste. C’est important de savoir qu’une BD se crée à trois mains, l’auteur, le dessinateur et le coloriste. Ce dernier apporte une autre dimension, et nous nous battons aujourd’hui pour faire reconnaître son travail.
Combien de temps faut-il pour créer une BD ?
La bande dessinée est un vrai marché. J’ai donc plusieurs casquettes, celle de l’artiste mais aussi celle du commercial, et je dois aussi respecter des délais courts, à savoir un album par an. Alors que je m’apprête à fêter mes 30 années de carrière, je me sens fatigué, tout particulièrement ces deux dernières années. Au moment où je vous parle, je me dis que si mon prochain album ne sort pas en temps et en heure, ce n’est pas bien grave, il y a des choses bien plus importantes que cela ! J’ai déjà annoncé à mon éditeur que je ne serai certainement pas dans les délais. Mais en règle générale, on parle d’une année de travail pour réaliser un album.
Depuis que je travaille sur ordinateur, j'ai abîmé mes yeux, mon corps et ma main se sont recroquevillés et j'ai perdu confiance.
Par ailleurs, je ne travaille pas sur un seul album mais sur deux ou trois ouvrages en même temps, je donne un coup de main à des collègues et je participe aussi à différents projets. D’ailleurs ici, c’est mon atelier à dessin mais je viens aussi de m’installer un petit bureau chez moi, pour écrire, ... Je n’ai rien perdu de l’énergie que j’avais il y a 30 ans, je suis un peu plus fatigué certes, mais la volonté est bien là.
Le dessinateur Marko pourrait donc un jour remplir lui-même ses bulles ?
Ce sont deux choses très différentes et le dessin me prend tout mon temps pour l’instant, donc je ne me penche pas trop sur la question. Écrire est un exercice très particulier mais je sens que je dois me confronter à celui-ci un jour, dans un espace, sans dessin, sans musique, moi seul devant une feuille blanche pour la remplir avec du texte. Cela ne veut pas dire pour autant que je vais écrire un album, mais je dois me confronter à ce monde auquel je n’appartiens pas. J’ai réalisé par ailleurs que lorsqu’on m’a demandé d’écrire quelque chose, j’ai eu besoin de lire encore et encore. Et là aussi je n’ai pas le temps nécessaire pour cela. Récemment on m’a demandé de rédiger un texte court et je réalise que je suis incapable de m’y mettre au studio. J’ai aussi envie d’écrire quelques petites histoires, mais je n’ai pas le temps pour le moment, j’ai trop de travail en tant que dessinateur.
Marko est-il plus connu au Pays Basque ou en France ?
Ici les projets conséquents pour les auteurs ou dessinateurs de BD sont rares.
Je dirais que je puise mon énergie ici, au Pays Basque, et que j’essaie aussi au maximum d’apporter ma touche personnelle à celle-ci. Mais il faut vivre et manger, et ici les sources de revenus sont plutôt maigres, tout particulièrement pour les dessinateurs, même si les choses évoluent lentement. Ici les projets conséquents pour les auteurs ou dessinateurs de BD sont rares. Certains choisissent de rester ici et de travailler en langue basque. Moi j’ai eu envie d'explorer d'autres horizons et j'y suis arrivé grâce aux contacts que j'ai pu avoir ici et là. C'est peut-être aussi une manière de pouvoir faire connaître le Pays Basque aux autres avec un point de vue différent. D'autre part ce serait intéressant de connaître le nombre de lecteurs de BD en langue basque. Le théâtre, les bertsu, la danse, ou le chant sont des disciplines qui ont du succès, c'est plus difficile pour la bande dessinée. Mais cela commence à changer, on voit apparaître des maisons d'éditions et il y a un vrai mouvement ici, les dessinateurs ont la volonté de créer ici et cela va évoluer, c'est sûr.
Au-delà de la BD, vos collaborations sont nombreuses, de Kukuxumusu à Mike Oldfield… Racontez-nous.
Je suis un dessinateur avant d'être un dessinateur de BD. J'ai toujours aimé créer des affiches, des "strips", des caricatures, ... Récemment, j'ai réalisé les illustrations du dernier ouvrage de Claude Labat Sorcellerie, manigances & sarabande. J'apprécie vraiment de travailler avec d'autres personnes et grâce à cela j'ai un large réseau qui s'est développé dans le monde entier avec l'apparition d'Internet dans nos vies. C'est ainsi que j'ai connu Olivier Lebras de San Diego, un grand fan de Mike Oldfield ; il gère le site non-officiel le plus important de l'artiste et c'est ainsi qu'à une époque, je me suis retrouvé à dessiner du Mike Oldfield tous les jours. Il existe toujours des liens pour rencontrer de nouvelles personnes et ouvrir de nouveaux chemins. Pour Kukuxumusu, j'avais depuis longtemps envie de travailler avec eux mais au début ce n'était pas évident. Puis mon ami Asisko Urmeneta est passé par là et je leur ai envoyé un dessin, puis un autre, puis 10, 20, ... En ce qui concerne la créativité, l'illustration, ces dix années ont peut-être été les meilleures. Nous avions une liberté totale, nous disposions d'un appartement pour les dessinateurs, et toute l'équipe était super. L'histoire est finie mais pour moi ce fut un grand moment. De plus, avec le succès de Kukuxumusu à travers le monde, pouvoir dire que je faisais partie de leur équipe procure une certaine fierté.
Il y a un style Marko ?
Je situe mon style au sein de l'école Franquin, même si je ne crois pas que ce soit directement mon style. Je dirais que c'est dans l'album Le jour où le bus est reparti sans elle que l'on se rapproche le plus de mon style. De là à dire que je suis assez connu pour que quelqu'un soit capable de reconnaître mon coup de crayon, je ne crois pas que ce soit le cas.
On voit aussi beaucoup de dessins signés Marko sur les réseaux sociaux... Les nouvelles technologies font évoluer le métier ?
On ouvre un grand chantier là. Oui c'est vrai, les réseaux sociaux sont entrés dans notre quotidien, et dans le mien tout particulièrement. Je participe de moins en moins mais il est vrai que ces dernières années, j'ai posté des dessins tous les jours sur une dizaine de réseaux sociaux. Aujourd'hui encore, je suis toujours sur Instagram, Twitter et Facebook. Sur les réseaux sociaux, il faut créer du flux tout le temps, et on a l'impression que si on passe une journée sans rien poster, on va mourir. Et puis non, on ne meurt pas. Il m'est aussi arrivé de poster un dessin un matin et de l'enlever au bout de dix minutes parce que personne n'avait réagi ! Je me surprends et me questionne lorsque je réalise le cycle infernal dans lequel je me suis embarqué. Dans certains cas, je le fais par pur plaisir ; je ne fume pas, alors je dessine. Par exemple, je fais les GIF du petit chat parce que cela ne me prend pas plus de dix minutes. Parfois j'ai aussi la sensation que je fais ça pour montrer que je vis dans notre monde actuel.
Ces dernières années, j'ai posté des dessins tous les jours sur une dizaine de réseaux sociaux.
Concernant les nouvelles technologies en général, j'ai commencé à travailler sur ordinateur suite à un problème important d'humidité ici au studio et qui m'a obligé à me séparer du papier et de l'encre. Au début c'était quelques dessins, puis très vite j'ai exécuté tout mon travail sur ordinateur. Aujourd'hui, je constate les deux conséquences majeures de ce changement. Tout d'abord, j'ai perdu confiance en moi : avant, lorsque je traçais mon premier trait à l'encre et au pinceau sur papier, c'était le bon, ce n'était pas facile de l'effacer, j'avais donc plus confiance, j'avais aussi une autre concentration. Maintenant, je fais, j'efface, je refais et je peux ainsi effacer un trait autant que je le souhaite. D'autre part, on adopte une autre posture devant un ordinateur ; sur une feuille de papier, un dessin est à sa mesure et la position du corps doit être ouverte. Sur l'écran, ce même dessin peut être agrandi autant qu'on le veut et par conséquent le mouvement de ma main et de mes doigts est beaucoup plus restreint, je fais des traits d’un ou deux centimètres. Tout cela a donc diverses conséquences : j'ai abîmé mes yeux, mon corps et ma main se sont comme recroquevillés et j'ai perdu confiance, ça m'a fait peur.
Aujourd'hui j'essaie de plus en plus d'enlever l'écran mais ce n'est pas évident, tout d'abord parce que je suis dans l'industrie de la BD et que je dois continuer à dessiner les albums en respectant le même style que les numéros précédents. Je ne peux pas tout changer subitement. C'est aussi pour cette raison que j'ai voulu absolument réaliser mon dernier travail avec Claude Labat à l'aquarelle sur papier, je voulais reprendre confiance.
Et Vivre avec ?
Vivre avec ? (rires) Au départ j'ai fait cette série de dessins pour montrer que ce n'est pas toujours facile de vivre avec un dessinateur, en particulier pour celles et ceux qui partagent leur quotidien. C'était donc une façon de leur rendre hommage et de tourner un peu les projecteurs vers nos compagnes. J'ai donc commencé par Vivre avec un dessinateur et je le faisais tous les jours, par plaisir ; c'est même devenu une sorte de thérapie familiale, vraiment ! Puis la série a connu un tel succès sur Facebook que j'ai commencé à proposer à mes abonnés de me donner la profession de leur conjoint et c'est devenu Vivre avec.
Racontez-nous le quotidien d'un dessinateur.
La bande dessinée est un vrai marché. J'ai plusieurs casquettes, celle de l'artiste mais aussi celle du commercial.
À 14 ans, je n'imaginais pas tout le temps que j'allais passer en voyage avec ce travail. Je pensais qu'un dessinateur passait la plupart de son temps à dessiner dans son atelier mais ce n'est pas du tout ça. Il faut faire beaucoup de promotion, surtout au début. À la sortie des premiers albums, je m'absentais presque toutes les semaines, une bonne trentaine de fois par an. Certaines familles ne résistent pas, le rythme est lourd pour les conjoints, aujourd'hui je m'absente moins. De plus, je ne suis pas un de ces grands artistes à qui l'inspiration arrive à tout moment ou qui sont capables de travailler n'importe quand ; moi je me lève à 6h30, je commence à travailler à l'atelier à 7h00 jusqu'à midi, puis je reprends le travail jusqu’à 18h00 et je ferme l'atelier. J'ai besoin de ma routine. Par contre j'ai toujours quelques livres et quelques cahiers à la maison pour pouvoir dessiner à n'importe quel moment. Cela n'a pas été ainsi tout le temps, c'est tout un processus, mais aujourd'hui c'est comme ça.
Et que fait Marko quand il ne dessine pas ?
J'essaie de dormir car en ce moment, je me réveille vers 3h00 du matin, mon cerveau s'allume et je dois prendre le cahier que je garde près du lit pour dessiner les idées qui trottent dans ma tête. Alors quand j'ai un moment, j'aimerais bien que ces idées me laissent en paix pour poser un peu mon cerveau. Lorsque je ne dessine pas, je regarde tout ce qui m'entoure, j'utilise ces outils magiques que sont mes yeux. Je dois aussi prendre soin de ma main car c'est mon seul outil de travail et j'ai déjà connu quelques soucis. Cela fait 25 ans que je l'utilise sans cesse et elle est fatiguée, et l'ordinateur n'a fait qu'empirer les choses. Par ailleurs, j'aime aller à la montagne, passer du temps en famille. L’époque des débuts difficiles révolue, il est temps pour moi de dédier plus de temps à ma famille. À une époque, je cultivais des bonsaïs, on peut encore les voir dehors. Maintenant j’aimerais lire, me poser et lire.
Un projet que vous aimeriez réaliser ?
Aujourd’hui, j’aimerais retrouver mon rêve de jeunesse, ce regard d’enfant.
J’aimerais bien retravailler avec Claude Labat, créer une BD pourquoi pas. Nous y avons déjà pensé mais le problème c’est que nous ne savons pas quand nous allons pouvoir réaliser le travail, nous sommes tous deux assez débordés. D’autre part je suis actuellement en pleine réflexion autour de mes rêves d’adolescent. Que sont-ils devenus ? J’aimerais à nouveau assouvir mon rêve innocent de jeunesse, retrouver ce regard d’enfant. Cette recherche est aujourd’hui plus importante que l’envie de faire un autre album. Derrière moi, vous pouvez voir un dessin de Gaston Lagaffe dédicacé par son créateur Franquin avec ces mots : "Un grand bonjour Marc, Franquin 1983". Ce dessin avait réveillé en moi l’envie de dessiner et c’est ce moment que je voudrais revivre maintenant, le moment où j’ai senti que je pouvais réaliser mon rêve de devenir dessinateur, sans me préoccuper du travail, des difficultés, des problèmes financiers et autres tracas du métier. Je suis à la recherche de cette innocence.
Y a-t-il une commande que vous n’accepteriez pas ?
Oui, c’est certain, mais avant de refuser, j’essaie de voir s’il pourrait y avoir un point de vue intéressant pour traiter ce sujet qui a priori ne m’attire pas. Par exemple, je ne peux pas dire que la guerre ou l’armée soient des sujets qui me passionnent et pourtant je suis très content du point de vue avec lequel on a traité Les Godillots, cela a valu la peine.
Que pensez-vous du patrimoine immatériel ?
Aujourd’hui tous mes dessins sont virtuels, ce ne sont plus que des bits, des mégapixels, il n’y a plus de papier. C’est ça mon patrimoine immatériel !
Je vais à nouveau parler d’informatique car en plus de me faire perdre de l’assurance et la santé, j’ai aussi perdu mes originaux ! Aujourd’hui tout est virtuel, tous mes dessins ne sont plus que des bits, des octets, des mégapixels, il n’y a plus de papier. C’est ça mon patrimoine immatériel ! Cependant, Komikigunea a vu le jour depuis peu à Donostia-Saint Sébastien ; c’est un centre dédié à la BD avec de vraies archives. Ils ont lancé un appel pour leur fonds et je leur ai fourni 1200 dessins originaux ; j’ai su qu’Asisko en avait donné 800, alors il fallait que j’en donne plus que lui (rires) !
Pour finir, vous voulez peut-être répondre à une question que je n’ai pas posée ?
Non, je crois qu’on a fait le tour, milesker !