Que ce soit pour la musique ou dans l'audiovisuel, c'est avec l'aide de ses amis de Xofaldia Prod. de Saint-Jean-Pied-de-Port que Maia Iribarne-Olhagarai (Saint-Jean-Pied-de-Port, 1995) se projette dans les projets artistiques qui lui passent par la tête. En réalisant la série Bañolet, elle a acquis l'expérience de mener un projet audacieux de bout en bout. Elle nous en parle pour évoquer l'importance du basque dans un tel projet, l'importance du travail en communauté et de sa détermination à toute épreuve.
Comment s'est passée l'année 2021 de Maia Iribarne-Olhagarai ?
Cette année a été très chargée. J'ai suivi une formation pour la réalisation de documentaires en Ardèche et en parallèle nous avons mené le projet du film Bañolet avec mon ami Paxkal Irigoien. Nous avons filmé l'été dernier à Saint-Michel puis nous avons continué avec le montage à Bidarray, dans les locaux de Kanaldude, nos partenaires sur le projet. Nous avons aussi crée la musique de la série et cela nous a aussi pris pas mal de temps. On a vraiment eu du pain sur la planche.
Vidéo de l'entretien (en basque)
Comment vous est venue l'idée de faire une série ?
Avec Paxkal Irigoien, nous avions déjà fait pas mal de choses, surtout des projets musicaux, avec le groupe de danse, et là, nous voulions nous lancer dans quelque chose de différent. Au départ nous ne savions pas quelle forme le projet allait prendre et peu à peu nous est venue l'idée de réaliser une série. Je crois qu'il n'y en avait jamais eu auparavant.
Entre musique et vidéo, j'ai un vrai tiraillement depuis que je suis petite.
Nous avons donc commencé à écrire les textes, puis à créer la musique et petit à petit, le projet a pris forme vers fin 2019. L'été suivant nous avons parlé du projet à des amis ainsi qu'à des familles de Saint-Michel et nous avons fait quelques essais, puis nous avons enregistré deux épisodes pilotes. Cela nous a vraiment aidé pour pouvoir mieux travailler les personnages, pour anticiper les besoins du tournage, pour préciser les scènes etc. Après cela le récit a été totalement transformé et nous avons commencé les demandes de subventions et les partenariats.
Vraiment, cette étape a été très fastidieuse, de quoi désespérer, mais alors que nous étions déterminé à mener le projet à bout à notre façon, nous avons eu la chance d'obtenir le prix décerné par le Salon du livre Durangoko Azoka. Grâce à cela nous avons pu organiser le tournage à l'été 2021. En deux semaines, nous avons enregistré les quatre épisodes de quinze minutes de Bañolet. Puis il y a eu le montage, la création et l'enregistrement de la musique, avec le projet de sortir un disque. Nous avons présenté tout cela à la fin de l'année 2021.
Entre la musique et l'audiovisuel, votre cœur balance ?
C'est un vrai tiraillement depuis que je suis petite. Ma mère est musicienne et avec ma sœur, nous avons commencé la musique très jeune. J'ai commencé le violon à sept ans, ma mère m'amenait toutes les semaines de Saint-Jean-Pied-de-Port au Conservatoire de Bayonne. Je n'avais que le violon en tête. Puis j'ai continué à jouer mais de façon moins formelle, avec le groupe de danse et avec des amis, à la maison.
Concernant l'audiovisuel, c'est aussi une passion depuis ma plus tendre enfance. Mon père nous filmait sans cesse à la maison et cet appareil m'intriguait beaucoup, je voulais filmer moi aussi et très vite j'ai fait mes premiers petits montages à la maison. Après le lycée, je jouais beaucoup de violon à droite à gauche et je ne voulais pas dédier tout mon temps à la musique. J'ai donc décidé de faire des études dans l'audiovisuel et je suis partie quatre ans suivre une formation à Aretxabaleta en Gipuzkoa. Aujourd'hui, les deux prennent une place similaire dans ma vie. Cette année par exemple, j'ai suivi une formation pour apprendre à faire des documentaires et musicalement parlant, on a crée le groupe Habia avec deux amies et avec l'aide de la compagnie Lagunarte de La Bastide-Clairence. C'est un endroit où nous partageons des réflexions très intéressantes sur le patrimoine, la musique traditionnelle etc. Lagunarte offre un bon cadre pour la formation et pour l'aspect professionnel en général, en nous permettant de pouvoir en vivre.
La musique et la vidéo sont deux outils différents pour évoquer des choses et pour partager avec les autres et j'aime bien l'équilibre entre les deux.
Dans le projet de Bañolet, nous avons aussi voulu donner le même poids à la musique et à l'image, même si cette dernière nous a pris plus de temps, compte tenu de l'organisation et du nombre de personnes que demande l'organisation d'un tournage. Malgré cela, nous avons voulu soigner la musique et cela en valait la peine. J'aime bien l'équilibre entre les deux. La musique a quelque chose de vivant, chaque concert est différent et j'aime ça. On retrouve aussi cette sensation de direct durant un tournage, pour ensuite créer un objet. Partager ça avec les gens, c'est vraiment bien aussi. Ce sont deux outils différents pour dévoiler des choses et pour partager avec les autres et j'aime bien l'équilibre que cela me procure.
Vous nous faites visiter Bañolet ?
Bañolet est un village qui vit dans un contexte particulier, à savoir dans une époque où d'anciens peuples colonisés par la France, comme le Pays Basque, la Bretagne, la Corse et d'autres, ont récupéré leurs terres et créent de nouveaux pays. Luixa, le personnage central de la série et ses ami.e.s grandissent dans ce pays où il existe une tradition autour du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Ils doivent donc organiser une grande fête inspirée d'une légende populaire. Dans le village il existe un vieux moulin, un lieu sacré pour les habitants du village, entouré de mystère. C'est le décor que l'on a imaginé pour suivre les aventures des enfants de Bañolet. En plantant ce décor, nous avons voulu parler d'identité, de langue, de peuple opprimé pendant que l'histoire nous fait vivre ce passage délicat de l'enfance à l'adolescence, ses relations de pouvoir. Mais Bañolet est aussi un village un peu fou. On y trouve donc des histoires et des situations plutôt cocasses, une ambiance qui donne le sourire.
Racontez-nous les coulisses du projet.
La dynamique générale a été fantastique. Pour moi l'ambiance dans laquelle le projet s'est déroulé a été un des aspects essentiels. Au départ nous avions parlé du projet à différents amis et à des familles de Saint-Michel.
L'usage du basque pendant tout le processus a fait naître une belle dynamique.
En parallèle nous avons proposé l'idée au sein du collectif d'artistes Xofaldia de Saint-Jean-Pied-de-Port et immédiatement les membres ont répondu présents avec beaucoup d’enthousiasme. Cet enthousiasme s'est ressenti aussi cet été lors du tournage. On nous a laissé utiliser l'école de Saint-Michel comme quartier général. On occupait toute la place du village et les enfants présents sur le tournage ont apporté leur dynamisme et leur grain de folie. On a aussi réuni un grand groupe de bénévoles prêts à donner un coup de main, et tout cela en langue basque. Il faut dire que l'usage du basque pendant tout le processus était aussi un des axes essentiels du projet et cela a fait naître une belle dynamique, nous étions vraiment content. Au total, 150 personnes ont participé au tournage de l'été, au sein de l'équipe technique, pour faire la circulation, la figuration, la cuisine, les décors etc.
La création de la musique de Bañolet aura été un processus très intéressant. Maintenant, on aimerait proposer des concerts avec Paxkal Irigoien et d'autres musiciens et pourquoi pas des ciné-concerts afin de présenter l'image et le son au même niveau.
Personnellement, que vous a apporté ce projet ?
Arriver à concrétiser une idée qui vous trotte dans la tête c'est déjà une grande satisfaction.
Je suis heureuse d'être arrivée au bout du projet. Puis, pouvoir se former dans l'action, tant au niveau technique que dans l'organisation d'un tel projet, entourée de professionnels et de bénévoles a été aussi très gratifiant pour nous tous. Nous avons beaucoup appris. Cela n'a pas toujours été facile bien sûr, nous avons rencontré un tas de problèmes, certaines choses n'ont pas pu être réalisées comme prévues, mais on a vraiment passé de bon moments.
Préserver le patrimoine immatériel est important ?
Le patrimoine immatériel occupe une place importante au Pays Basque.
Nous devons nous réapproprier ce patrimoine et avancer avec lui, nous avons là des outils précieux, des outils de résistance.
Je vois la transmission par le biais du langage et du corps comme un outil de résistance, pour continuer à exister en tant que basque et comprendre qui nous sommes dans le temps. C'est donc essentiel de garder ce patrimoine vivant, de relever le défi de la transmission, sans oublier l'importance de savoir comment transmettre. Conserver le patrimoine en l'enregistrant ou l'archivant sur un support n'est pas suffisant, il faut avant tout le garder vivant. Nous devons nous réapproprier ce patrimoine et avancer avec lui. Nous avons là des outils précieux, des outils de résistance. Et en numéro un, nous avons notre langue, c'est un outil essentiel qui façonne notre regard et notre compréhension du monde, il faut donc la préserver.
Que faites-vous quand vous ne travaillez pas ?
J'aime bien me retrouver avec mes ami.e.s, c'est avec eux que je passe la plupart de mon temps. Avec les membres du collectif Xofaldia, nous nous soutenons dans nos différents projets, nous créons ensemble, nous partageons des idées. J'aime aussi marcher, lire, voir des films, rien de bien spécial.
Dernièrement, quel est le film qui vous a marqué ?
Difficile de répondre, c'est une question aussi vaste que le patrimoine immatériel ! Pour en citer un, je dirais Non dago Mikel?
J'ai trouvé ce film vraiment abouti, beau et il propose différents sujets de réflexion. D'un coté, il met en évidence l'importance de la mémoire historique, mais il offre aussi d'autres points de vues. Les réalisateurs ont mis onze ans pour faire le film et cela se voit dans le résultat. Ce film m'a vraiment émue, je l'ai trouvé très touchant, bravo à eux.
Des projets en tête ?
Oui, j'ai quelques idées en tête mais il est trop tôt pour en parler, il n'y a rien de concret encore. J'ai plutôt besoin de prendre un peu de temps maintenant, pour écrire, pour réfléchir. Je pense que certains projets vont s'étaler dans le temps, surtout les projets de documentaires.
Vous voulez conclure avec un sujet que l'on n'a pas évoqué ?
Je voudrais revenir sur quelque chose qui pour moi est très important dans tout processus de création, à savoir, mener ce processus en basque d'un bout à l'autre. C'est vraiment essentiel à mes yeux et au Pays Basque nous avons du pain sur la planche.
Un autre aspect clé est le travail d'équipe, auzolana, voir comment ces projets prennent forme grâce à une dynamique populaire.
J'ai vraiment aimé l'expérience de Bañolet pour cela. Un autre aspect clé pour moi est le travail d'équipe, auzolana en langue basque, voir comment ces projets prennent forme grâce à une dynamique populaire, avec les habitants du coin. Moi je souhaite continuer à travailler ainsi, avec les personnes que j'aime et les habitants, sans dédaigner personne. Dans les milieux du cinéma ou de la musique il y a différents chemins que l'on peut suivre, dont certains peuvent facilement déraper vers un monde de paillettes. À coté de cela, il y a un tas de beaux projets qui se font de façon différente, alternative, je préfère prendre ce chemin là.