Aurelia Arkotxa

Aurelia Arkotxa

''A côté du travail intellectuel, j'ai besoin de créer''

  • ICB
  • 02-12-2010
  • Langue : Basque

Aurelia Arkotxa est professeur de langue et littérature basques à l'Université Bordeaux 3 - Montaigne, membre permanent du centre de recherche sur la langue et les textes basques IKER, et membre de l'Académie de la Langue Basque. Faisant de la poésie à la manière d'un "artisan", elle pose un regard sur son parcours d'écrivain.

L'association littéraire Maiatz

Aurelia Arkotxa : Je suis professeur d'université, ce qui implique l'enseignement et la recherche et je suis également écrivain, et c'est à ce titre que je parle ici.

J'écris depuis mon adolescence. J'ai fait partie du groupe fondateur qui fut à l'origine de la revue littéraire en langue basque Maiatz. La revue Maiatz représenta pour moi une sorte de banc d'essai.

''Septentrio''

A.A. : Au début des années 1990, Txema Aranaz, Txema Larrea et Eduardo Gil Bera de la maison d'édition Pamiela de Pampelune en Navarre, me proposèrent de publier les textes parus dans la revue Maiatz. C'est ainsi que vit le jour le recueil poétique "Atari ahantziak" (« Portiques oubliés », 1993).

En 2001, je pris contact avec les éditeurs de la maison Alberdania dIrun, Jorge Jimenez Bech et Iñazio Mujika qui acceptèrent de publier Septentrio, fruit pour une part d'un vécu de près de 10 années entre le Canada et l'Europe, et de la découverte de l’œuvre de Kenneth White et de la géopoétique, d'autre part. Les territoires d'Amérique du Nord, les rivages canadiens du Québec de Terre-Neuve et du Labrador imprègnent profondément ce livre. Dès lors, la cartographie et les lieux ont pris une place de plus en plus prépondérante dans mon écriture. Puis, j'ai rencontré les responsables de la maison d'édition de l'Atelier du héron, Pascal Naud et Serge Paulus à qui j'ai proposé la version française de Septentrio que je venais de terminer. Le livre, qui est en réalité une version remaniée de l'édition de 2001, a été publié en Belgique (Septentrio, Atelier du héron, Bruxelles 2006).

En 2007, les éditeurs d'Alberdania me proposèrent de publier la traduction en espagnol de Septentrio, ce que j'acceptai. Je connaissais déjà les traductrices Arantzazu Fernandez et Eli Tolaretxipi, elle-même auteur de langue espagnole, qui avaient traduit avec bonheur certains de mes textes. Je leur confiai ce travail. Elles ont réalisé une traduction très rigoureuse, menée en constant dialogue avec moi. Elles ont tenu compte également, car tel était mon souhait, de la réécriture en français. Décliner les variations de Septentrio dans diverses langues a été une expérience assez ludique.

Maratila dans le quotidien Berria

A.A. : Entre 2004 et 2009, j'ai écrit une chronique poétique, le vendredi, dans la rubrique Maratila de Berria. Des chroniques délibérément poétiques et non journalistiques. L'éditeur-écrivain Ur Apalategi m'a proposé de les publier chez Utriusque Vasconiae et c'est ainsi qu'a paru en 2009 Fragmentuak (« Fragments »), recueil des chroniques écrites entre 2004 et 2008. Depuis septembre 2010, j'ai repris la rédaction de ces chroniques dans le journal Berria. Elles paraissent désormais le mercredi.

Il s'agit d'ouvrir, à l'intérieur du journal qui a son rythme journalistique propre, un espace poétique doté d'une autre rythmique. Mes chroniques se nourrissent de déambulations, d'errances quotidiennes. Description des lieux, rencontres avec les gens, les animaux, avec un tableau parfois, ou un livre. Je n'invente rien, je ne fais que regarder et qu'écouter. Je prends des notes. J'essaye de m'arrêter pour regarder. Attitude que notre époque ne favorise pas.

Méditation et engagement

A.A. : Je suis en position de résistance face à une certaine réalité contemporaine. Je me situe dans une certaine tradition, celle de Thoreau par exemple. Vu le rythme de vie actuel et notre environnement, il me semble primordial de s'offrir des « pauses poétiques » : se reposer, s'arrêter, méditer, réfléchir à notre existence face à un monde global fragmenté.

J'associe aussi la méditation à l'engagement. Dans la littérature basque, Gabriel Aresti a été l'un de mes maîtres. Les textes engagés de Lete écrits pendant le franquisme ont aussi été très importants pour moi. De toutes les manières, je crois qu'un texte est toujours engagé. On ne peut vivre hors de la société. Prêter attention à ce qui vit autour de soi, aux petites choses quotidiennes qui semblent si anodines, écrire cela, c'est important.

Narration plutôt que poésie

A.A. : Il est vrai que je fuis un certain lyrisme poétique. Au contraire, je peux trouver beaucoup de « poésie » dans une description technique vieille de plusieurs siècles (cartographie marine, cosmographie) parce qu'elle nous parle d'un monde très réel mais qui a disparu.
Pour caractériser mon écriture, plutôt que de « poésie », je parlerai de « narration poétique » ou de « chronique poétique ». J'aime écrire d'une écriture nue et chirurgicale. Ce qui demande le plus souvent, un travail important de ciselure.

'Poète comme un artisan'

A.A. : Dans mon enfance et mon adolescence, je dessinais et peignais, je voulais en faire ma vie. Et puis c'est lécriture qui s'est imposée. A côté du travail intellectuel, j'ai besoin de créer.
Si je n'avais pas écrit et peint, et orienté ma vie vers la recherche et l'enseignement, j'aurais aimé être compagnon du devoir.
Il y avait des artisans dans ma famille. J'ai mis des années à comprendre que moi aussi je travaillais à la manière d'un artisan. Mon grand-père travaillant le bois et ma mère le tissu, l'ambiance créative familiale a été pour moi fondamentale. Je ne fais pas de différence entre « art » et « artisanat ». Pour moi tout est art. Réaliser le « chef-d’œuvre », c'est magnifique. En basque, pour désigner l'artisan, j'aime le mot "ofizialea".
La société contemporaine occidentale cloisonne, divise, engendre du mépris social. Nous avons détruit les anciens métiers. On ne pourra continuer à vivre ainsi longtemps.
C'est exact, je travaille le mot, le phrasé, à la manière d'un artisan.

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