Txalaparta
D'après un texte original en euskara de Josean Artze.
Txalaparta, c'est le son qu'on reproduit sur cet instrument si primitif et si moderne qui n'a même pas de nom : 4 épaisses planches de bois, de différentes essences, et sur lesquelles les musiciens, face à face, frappent de leurs bâtons.
"Txalaparta", c'est aussi une onomatopée poétique qui évoque le galop du cheval. C'est le rythme de base à partir duquel les musiciens vont pouvoir se livrer aux plus acrobatiques improvisations, le rythme sur lequel ils se retrouveront pour repartir vers de nouvelles escapades. Et c'est ainsi une époustouflante polyrythmie et polyphonie qu'ils parviennent à tirer, tout en subtilité, de ces quatre planches de bois. Quand il s'agit d'artistes comme les frères Artze en tout cas.
Pour Joxean, qui est aussi l'un des plus grands poètes basques contemporains, la txalaparta c'est encore beaucoup plus que cela : «Txalaparta», c'est l'écho d'un silence, silence rendu explicite : la solitude de la vallée soudain percée par le galop du cheval («zaldi») solitaire, le silence et la quiétude deviennent explicites.
Le cheval battant la terre de ses quatre pattes, deux txalapartari jouant le bois de leurs quatre bâtons : terre, bois et bête les trois règnes de la nature recueillis en l'homme qui joue txalaparta.
L'instrument est femelle, mais son chant est mâle: La verticalité frappant l'horizontalité ; le mouvement parcourant l'immobilité ; le mâle accouplant la femelle; la pluie désaltérant la sécheresse du sol; le temps gagnant de l'espace: txalaparta.
Ttukun, ttukun, ttukun kun, kun ttukun tturrukuttun
Son rythme est foncièrement celui du galop du cheval et le txalapartari tire la cadence initiale de ce rythme des battements de son coeur.
Plutôt que celui d'un cheval quelconque, txalaparta veut représenter le galop «du cheval» - c'est à dire du cheval-type -, le génie de l'espace ; ce cheval qui sera le sujet du peintre basque préhistorique de Santimamime, Altamira ou Ekaïm ; du danseur de Zuberoa (Soule), Berriz (Soule) ou Irunea (Pampelune); ou du «irrintzilari» [celui qui pousse le «irrintzi», cri vital, de joie et de défi..
Txalaparta représente le cheval nomade habitant l'espace Ou serait-ce plutôt l'arbre («zuhaitz») sédentaire vivant le temps, l'arbre mort, couché dans l'air, que les coups des joueurs veulent faire revivre, en le garnissant de branches nouvelles ?
Un tronc, quatre bâtons, deux joueurs. Un, quatre, deux. Mais c'est toujours un troisième qui, muet, dirige tous les sons; qui, immobile, impulse tout le mouvement: «tturrukuttun», base de la tradition txalaparta. Tturrukuttun, c'est lui qui établit le lien entre les deux joueurs ; c'est à travers lui qu'ils se parlent ; c'est autour de lui qu'ils agissent ; c'est de lui qu'ils partent et c'est à lui qu'ils reviennent, tturrukuttun.
Txalaparta, c'est de l'improvisation. De la racine du vieux thème surgissent des chants nouveaux, toujours nouveaux et toujours uniques, les joueurs ne pouvant pas les répéter.
«Du temps où toutes les choses savaient parler» [dicton populaire basque], alors que l'homme comprenait le langage de toutes les choses, il n'avait pas besoin de jouer txalaparta (ni de peindre, ni de danser, ni de pousser des irrintzi), puisqu'il vivait en parfaite union avec toutes les choses, puisqu'il n'y avait pas d'abîme entre l'homme et la Nature. Dès lors le txalapartari cherche à retrouver cette union perdue quand il bat l'arbre en représentant le cheval, et c'est en représentant le cheval qu'il devient en quelque sorte cheval lui-même. Aujourd'hui les choses ne savent pas parler. Ou serait-ce plutôt l'homme qui ne comprend pas ce que les choses disent ?"