L'origine du chant choral en Pays Basque
A l'occasion de la rapide présentation du Pays Basque faite par les éditions Larousse dans un ouvrage consacré à la Péninsule Ibérique au début du XXème siècle, on peut lire, dans la liste des spécificités musicales locales : « L'art lyrique recrute parmi les Basques d'excellents chanteurs ».
La belle voix des Basques, remarquée depuis longtemps, se fait maintenant entendre sur les scènes des théâtres. De plus en plus de chanteurs professionnels sont issus des deux côtés des Pyrénées. Comme il y a « la basse russe », il y aura désormais « le ténor basque », et Madame Bovary (1857) en portait un premier témoignage : le célèbre Edgar Lagardy, qui tient le rôle d'Edgardo dans la représentation de Lucia di Lammermoor à laquelle Emma Bovary assiste au théâtre de Rouen, a été découvert par une princesse polonaise qui, « l'écoutant un soir chanter sur la plage de Biarritz, où il radoubait des chaloupes, en était devenue amoureuse » (Flaubert, 1964, p. 650).
Le Navarrais Julián Gayarre (1844-1890), Faust idéal aux dires de Gounod et tenu à son époque pour « le meilleur ténor du monde », est l'un des plus célèbres de ces chanteurs lyriques basques qui comptent aussi beaucoup de barytons dans leurs rangs
Le développement des activités musicales, en général, et l'apparition de l'opéra basque, en particulier, ont été rendu possibles par les chorales, qui se multiplient à cette époque (un ouvrage récent recense, par exemple, trente-neuf créations pour la seule Biscaye entre 1890 et 1910).
Uniquement composées d'hommes à l'origine, puis souvent accompagnées d'un choeur d'enfants, elles s'ouvrent aux femmes au début du siècle. Elles interprètent, uniquement ou parmi d'autres pièces, des chants basques arrangés pour voix seules ou avec accompagnement (qui restent, aujourd'hui encore, à la base du répertoire des « chorales basques ») : la mélodie populaire transmise de génération en génération devient le chant populaire harmonisé à quatre voix avec toutes les conséquences que cette évolution suppose.
Ainsi, par exemple, la diffusion du répertoire choral contribue à fixer une version des pièces qui rencontrent le plus de succès, alors que le propre du corpus populaire est la multiplicité de ses formes (le même phénomène se reproduira plus tard, avec le disque et les chanteurs et groupes reprenant des mélodies traditionnelles).
Il serait intéressant aussi d'étudier le rôle des choeurs pour la diffusion de l'image du « Basque chantant » à l'extérieur du pays (en particulier par leurs tournées hors du Pays Basque, à partir de la constitution des premiers groupes folkloriques et de l'action d'Eresoinka, ensemble vocal et chorégraphique formé à l'initiative du gouvernement basque de plus de cent Basques exilés à Sare en 1937).
Cette image est l'un des clichés des années trente, période où l'apparition du tourisme de masse amène à la constitution de stéréotypes régionaux : chant collectif, danse, pelote illustrent on pourrait presque dire définissent le Pays Basque à l'Exposition Internationale des Arts et Techniques qui se tient à Paris en 1937.