L'improvisateur

Bien ancré dans la société, issu aujourd'hui d'origine diverse, homme ou femme, l'improvisateur maintient le public en haleine par son esprit vif et son sens de la répartie.

Championnat du Pays Basque 2017 (Photo : CC-BY-SA - Dani Blanco, Argia.eus)
Championnat du Pays Basque 2017 (Photo : CC-BY-SA - Dani Blanco, Argia.eus)
Dans les concours, en championnat ou les joutes de places, le bertsulari se présente sans fard, dans une tenue de tous les jours (pas de costume spécial ou de soin vestimentaire particulier), sa présence scénique est généralement dépourvue de tout effet. Les mains derrière le dos ou dans les poches, le geste n'accompagne que très rarement la parole. Aucun signe pouvant distinguer son statut social.

Statut social

Dans le passé les improvisateurs basques étaient presque tous d'origine modeste, issus du milieu rural.

D'ailleurs, très souvent, ils prennaient comme pseudonyme le nom de leur ferme natale, parfois celui de leur village : Juan-Francisco Petriarena dit "Xenpelar" était de la maison "Xenpelarre" de Renteria ou Fernando Aire dit "Xalbador" de "Xalbadorrenea" d'Urepel, Fernando Bengoetxea dit Fernando Amezketarra était du village d'Amezketa en Guipuzcoa, Mattin Trecu dit "Ahetzeko Mattin", demeurait à Ahetze, etc.

Les bars et restaurants étaient leurs lieux privilégiés pour versifier. Souvent analphabètes ou peu scolarisés,ils divertissaient le public après avoir bu. A l'époque où les journaux, la radio et la télévision n'existaient pas, le bertsulari était un personnage emblématique. Il s'inspirait de tous les thèmes de la société qu'il commentait avec une grande liberté.

Avec l'évolution sociétale, l'image du bertsularisme et a fortiori les caractéristiques d'identification de l'improvisateur ont changé.  De plus en plus souvent issu d'un milieu urbain, il a effectué des études supérieures. Il est également de plus en plus jeune, conséquence directe de l'enseignement aujourd'hui répandu de cet art.

Homme ou femme

Dans la longue histoire du bertsularisme, l'homme a longtemps été le protagoniste principal. Seuls des hommes improvisaient dans les lieux publics comme les bars, les places, les concours et les championnats.

L'une des grandes nouveautés dans l'évolution du bertsularisme est sans nul doute l'apparition et le nombre grandissant de femmes dans les joutes, et leur implication dans l'organisation. Un investissement dans le domaine public, somme toute comme dans tous les autres secteurs sociaux et culturels à ce jour. Ce phénomène récent mérite que nous nous y attardions.

Capacité intellectuelle

Maialen Lujanbio, première femme dans l'histoire ayant remporté le titre de champion des bertsularis du Pays Basque, en 2009. Elle a aussi remporté le championnat 2017 (Photo : CC-BY-SA - Dani Blanco, Argia.eus )
Maialen Lujanbio, première femme dans l'histoire ayant remporté le titre de champion des bertsularis du Pays Basque, en 2009. Elle a aussi remporté le championnat 2017 (Photo : CC-BY-SA - Dani Blanco, Argia.eus )
Qu'il soit comme autrefois analphabète ou peu scolarisé, le bertsulari fait preuve de don et de capacités exceptionnelles : un esprit vif et réactif, une mémoire prodigieuse, ayant confiance en lui, bref un talent hors du commun.

Lorsqu'on a la chance de se trouver à côté de bertsularis ou que l'on assiste à une joute, ce qui frappe le plus, c'est la rapidité d'esprit avec laquelle ils improvisent. Etant donné qu'ils ne connaissent pas le sujet à l'avance, versifier et chanter tout en respectant le rythme et la rime, relève d'un exercice vraiment impressionnant !

Outre une vaste culture et ses facultés créatives, il (ou elle) possède une mémoire exceptionnelle, fort utile pour éviter la répétition de mots mais surtout afin de trouver des rimes.

On peut naître bertsulari, posséder les qualités innées indispensables, mais devenir un bon bertsulari... requiert beaucoup de travail.

A ce propos, Xalbador, dans son livre autobiographique ''Odolaren mintzoa'', nous dit ceci : "Ez dakit baden ofizio errexik, bainan etzaut iduri hau baino zailagoko aunitz baden munduan. Ez litaike ez hala! Oraino ere zonbaitek, eta nihaurek haur denboran uste bezala, dohain hutsez egiten balitz!'' ("Je ne sais s'il existe de métier facile, mais il me semble qu'il n'y en a pas beaucoup de plus difficile au monde. Et encore comme certains, et comme je le pensais moi-même dans mon enfance, s'il se faisait en étant simplement doué !").